Résumé: Après quitter Saïgon consacré aux exilés vietnamiens de France, Clément Baloup part à nouveau sur les traces d'une histoire reliée à la sienne par cette terre du Vietnam, désireux de collecter la mémoire des vietnamiens qui, il y a plus de trente ans, et après un parcours semé d'embuches, se sont installés aux Etats-Unis.
C
lément Baloup poursuit son recueil de témoignages sur les vietnamiens qui ont fuit la guerre et la dictature communiste en s’intéressant, cette fois, aux communautés arrivées aux États-Unis. À travers trois récits, il donne la parole à ces réfugiés venus s’installer dans ce pays allié ou ennemi.
Comme dans le premier tome de Mémoires de Viet Kieu, l’auteur offre une oreille attentive à des émigrés. Il le fait avec retenue, sans jamais porter de jugement : il écoute et devient porte-parole. Les propos sont sans concession, sur les drames et outrages subis lors de la fuite vers la terre promise, tout en restant toujours dignes, pudiques et forts. Les témoins choisis sont des femmes qui, de par leur condition et leur statut social, sont plus vulnérables. Objets de convoitises, elles doivent affronter aussi bien les policiers, les gardiens et les pirates que d’autres réfugiés. Il rend ainsi hommage à leur force morale, leur courage et leur volonté de toujours espérer et de se reconstruire.
Clément Baloup ne s’attache pas qu’à la fuite des exilés, il s’intéresse aussi à leur arrivée sur le territoire américain. Il les fait parler de leurs blessures mais également de la reconstruction. L’ouvrage évoque les difficultés rencontrées par les nouveaux arrivants, cette liberté dont ils ne savent que faire, déracinés, privés de ressources et maitrisant peu ou pas la langue. Même si le centre du livre reste bien l’humain, le modèle américain est abordé au travers de ces communautés asiatiques, aussi bien vietnamiennes que laotiennes, chinoises et japonaises. Pour ces immigrants qui ont décidé de vivre coûte que coûte, l’avenir ne s’établit pas sur un idéal d’intégration tel qu’il peut se concevoir en France. Ils ont un pied sur leur terre d’accueil, saisissant les opportunités qui s’offrent ou plutôt qu’ils se créent, un autre sur leur terre d’origine, bâtissant des quartiers entiers à l’image de ce qu’ils ont perdu, témoignant d’un attachement profond aux traditions.
Le dessin est différent de celui retenu pour le premier tome. Le crayonné épuré et expressif est totalement au service du propos, la colorisation soulignant habilement les émotions : sombre/violet pour le passé, la terreur, l’angoisse et la souffrance; plus chaude, avec des dominantes ocre/jaune pour le présent, l’apaisement et l’espoir.
Une œuvre subtile, délicate, qui dévoile avec émotion le parcours d’êtres déchirés pourtant tellement forts.