Résumé: Best-seller international depuis sa parution en 1983, La Mémoire d’Abraham retrace l’enquête que mène un homme d’aujourd’hui en remontant l’Histoire sur les traces de ses ancêtres juifs. Débutée à Jérusalem en l’an 70 après J.-C., l’aventure l’emmènera jusqu’à la Seconde Guerre mondiale à Varsovie, lieu de naissance de l’auteur du livre, Marek Halter. Avec le concours actif de l’écrivain, le roman devient une bande dessinée, scénarisée par Jean David Morvan et mise en images par plusieurs dessinateurs successifs – ici Besse et Dupré. Ce deuxième volume s’ouvre à Rome en 135 après J.-C., où s’est exilé Absalon, petit-fils d’Abraham. Il vient d’apprendre que sa fille, Arsinoé, s’est enfuie avec Claudius, un batelier que l’on dit affilié à la secte des chrétiens…
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n 135, Absalon, petit-fils d’Abraham, a depuis longtemps quitté une Alexandrie persécutant les Juifs pour s'installer à Rome. Le danger semble s’être éloigné un moment, lorsqu’il apprend que sa fille Arsinoé s’est enfuie avec un jeune chrétien et s’est convertie à cette nouvelle religion. Incapable de s’en remettre, Absalon sombre dans un pessimisme que le soulèvement, vite réprimé, de Jérusalem derrière un certain Bar-Kokhba n’atténue pas. Quelques années plus tard, ses fils Amnon et Adar héritent d’un coffret contenant un manuscrit des plus précieux. Toute l’histoire de leur famille y est inscrite. Commence alors, de génération en génération, une transmission du rouleau témoignant des tribulations des descendants d’Abraham entre Alexandrie, Carthage, Hippone puis le désert berbère, afin d’échapper à l’oppression et aux invasions barbares.
Arsinoé est morte ouvre une nouvelle page de l’adaptation en bande dessinée de la grande saga familiale que constitue le best-seller de Marek Halter, La mémoire d’Abraham. Si le titre de ce deuxième tome évoque un passage sans doute moins marquant que d’autres, il cristallise en fait un certain nombre de réalités développées dans l’album. La conversion au christianisme de la fille d’Absalon rappelle l’origine même de cette religion, issue du judaïsme, et ses conséquences, comme ses conditions, soulignent l’inimitié déjà existante entre ces deux communautés, pourtant également persécutées, aux premiers siècles de notre ère. La méfiance entre Juifs et Chrétiens se renforce d’ailleurs au fil d’un récit étalé sur plus de trois siècles et demi (entre 135 et 414), même si, à certains moments, leur martyr commun les engage à s’entraider. C’est ainsi qu’un descendant d’Abraham sauve puis épouse Lydia, une baptisée devenue juive.
À travers la transmission du rouleau, c’est donc l’histoire d’une famille et celle d’un peuple qui sont narrées, (quelques) heurs et (beaucoup de) malheurs se succédant sans discontinuer au fil des décennies. Si la litanie des noms à chaque génération et passation du manuscrit peut, à la longue, paraître lassante, elle s’inscrit dans une tradition ancestrale, bien conservée ici, et constitue un fil conducteur permettant de suivre l’évolution des héritiers du patriarche qui avait fui Jérusalem en 70. De plus, cela rappelle le travail de recherches de Marek Halter lui-même, mis en scène brièvement à deux reprises, qui se penche sur le passé des siens et sa propre filiation. Enfin, derrière la couverture empreinte de tragédie de Grzegorz Rosinski, qui synthétise au mieux le contenu de cet opus, le lecteur retrouve les dessins, assez classiques quoique plaisants, d’Ersel et de Steven Dupré. Malgré l’allure toujours un peu figé des personnages, l’atmosphère tendue dans laquelle ils évoluent est bien restituée.
Sans être aussi poignant que le premier volet, ce deuxième tome de La Mémoire d'Abraham reste de bonne facture et d'une lecture aussi aisée qu'intéressante.