Résumé: Best seller international depuis sa parution initiale en 1983, La Mémoire d'Abraham retrace l'enquête que mène un homme d'aujourd'hui en remontant l'Histoire sur les traces de ses ancêtres juifs. Sa quête le mène d'abord au coeur de l'Antiquité, en l'an 70 après J.-C., à la rencontre d'un scribe de Jérusalem nommé Abraham, l'un des premiers de la lignée. On découvrira par la suite tous les acteurs-clés de la dynastie à travers le temps, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale à Varsovie, lieu de naissance de l'auteur, Marek Halter.
Avec le concours actif de l'écrivain, le roman devient une bande dessinée. L'adaptation est dirigée par le scénariste Jean David Morvan et la mise en images prise en charge, au fil des volumes, par plusieurs dessinateurs successifs: Ersel et Dupré pour le tome 1. Toutes les couvertures seront signées Rosinski, l'auteur de Thorgal.
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érusalem, an 70. Assiégés par les légions de Titus, les habitants voient leurs espoirs d’échapper au joug romain s’envoler dans les flammes qui dévorent le Temple de Salomon. Pour Abraham, le scribe, l’heure de l’exil a sonné. Avec femme et enfants, il quitte la Ville Sainte pour un ailleurs indéterminé. En route, il croise des légionnaires qui le somment de remettre les rouleaux qu’il a emportés. Face à son refus, les soldats violent son épouse sous les yeux de ses deux fils, puis la laissent se suicider. Malgré cette perte, Abraham poursuit sa route jusqu’en Égypte où il s’installe avec Élie et Gamliel. Quelques années plus tard, leur père mort, les garçons ont chacun choisi leur voie. L’aîné a repris le métier paternel et s’accommode de la souveraineté de Rome, tandis que le cadet, devenu rabbin, travaille au soulèvement de ses coreligionnaires contre l’ordre établi.
Marek Halter fait figure de monument, non seulement comme militant actif du respect des Droits de l’Homme, contre l’antisémitisme et pour la Paix au Proche-Orient, mais aussi comme auteur à succès retraçant dans ses romans certaines annales du peuple juif. L’adaptation en bande dessinée de La Mémoire d’Abraham, best-seller international paru en 1983, est l’occasion de découvrir son oeuvre la plus connue ainsi que la saga d’une famille qui s'étend sur deux millénaires. L’écrivain supervisant la copie de Jean-David Morvan (Sillage, Nävis, Au bord de l'eau, [i)Trois... et l'ange), et de ses collaborateurs, Frédérique Voulyzé (Taras Boulba, Les aventures de Tom Sawyer) et Yann Le Gall, la conservation de l’esprit et de la lettre de l’ouvrage semble tout à fait garantie. Et, elle l’est.
De la fin d’un monde, au travers de la chute d’une ville, à l’insurrection d’une communauté juive vers 110, Les chemins de l’exil ouvre le premier volet d’une fresque qui s’annonce, d’ores et déjà, aussi intense que riche. Plongeant le lecteur au début et au cœur de la Diaspora, ce récit, empreint par moments d’accents plus littéraires, voire lyriques, est doté d’une narration fluide, au ton juste, mesuré et ne versant jamais dans un excès mélodramatique. Dans les pas d’Abraham, Élie et Gamliel et de dizaines d’exilés entraperçus, les auteurs dépeignent tour à tour le traumatisme du déracinement, les dommages collatéraux d’une loi de la guerre qui supplante tout ou presque, ainsi que l’installation dans une terre d’accueil ou encore la transmission d’un héritage, celui de la mémoire et de la souffrance, auxquelles s’ajoutent, selon les caractères, l’acceptation d’un sort contraire ou la haine de la puissance dominante. Par ailleurs, en filigrane, se dessinent également certains aspects, encore timides pour le moment, des relations ambiguës entre la communauté juive et les pouvoirs, de quelque confession ou époque qu’ils soient, auxquels elle a dû se frotter au fil des siècles. La confrontation entre le scribe et le général Placidus l’illustre bien, le second reconnaissant l’érudition du premier et confessant en avoir besoin.
D’un drame à l’autre, les tribulations de la famille d’Abraham et de ses descendants se mêlent à l’Histoire et sont entrecoupées, en milieu et en fin d’album, par un aller-retour à la fin du XXe siècle, afin de mettre en scène un Marek Halter attelé justement à la rédaction du best-seller adapté ici. Il s’agit là de souligner un peu plus l’importance de la passation de la mémoire, collective et individuelle, assignée à l’écrivain, mais aussi de laisser entrevoir le caractère plus ou moins autobiographique du récit. Enfin, pour porter cette saga, il a été décidé de faire appel à plusieurs artistes, chacun œuvrant sur l’un des tomes, tandis que toutes les couvertures seront signées Grzegorz Rosinski (La Complainte des landes perdues, Thorgal, La vengeance du comte Starbeck). Celle de ce premier opus donne le ton avec son maelström de silhouettes en plein combat, dont se détachent le visage d’un sage juif, le profil d’un Romain, un candélabre à sept branches et les murs du Temple incendié. Derrière cet alléchant tableau, Ersel (Disparitions, Médée, Le Zouave) dessine les pages de ce premier volume, assisté par Steven Dupré (Kaamelott, Interpol), pour les scènes où apparaît Marek Halter. Si le graphisme des deux auteurs reste de facture assez classique et s’avère parfois figé, il se révèle néanmoins plaisant et réaliste.
Ouvrant une série prometteuse, Les chemins de l'exil permet de découvrir un grand roman et une page d'Histoire poignante.
Les avis
Erik67
Le 03/09/2021 à 12:48:31
Tout est parti d'un célèbre best-seller paru en 1983 qui retrace la recherche par un écrivain des origines de sa famille. On arrive jusqu'à l'Antiquité vers 70 après JC dans une période troublée où les romains assiègent Jérusalem qu'occupe le peuple juif. On va suivre tout un pan de l'histoire de ce peuple opprimé jusqu'à la Seconde guerre mondiale dans le ghetto de Varsovie.
Je n'ai pas vraiment aimé cette lecture, non pas que je ne sois pas touché par la souffrance de ce peuple face à l'occupant romain mais parce que tout simplement la bd me semble mal construite. On oscille en effet entre l'histoire personnelle d'Abraham qui est très courte au final (ce scribe fuit Jérusalem après l'incendie du temple) et l'histoire plus sanglante de ce peuple qui tente de résister. Par ailleurs, il y a des va et vient avec l'époque moderne (1977) par rapport à cet écrivain qui fait des recherches sur ses origines. Bref, cela manque de lisibilité et de cohérence. Et puis, il y a ce côté trop classique et soporifique dans la mise en scène.
Cependant et par dessus tout, je ne suis pas arrivé à m'intéresser à cette série qui débute et ses personnages qui n'ont aucune consistance psychologique. A noter que la couverture est signée par Rosinski : j'avais crû tenir le nouveau Thorgal entre mes mains ! Le dessin est celui d'Ersel mais déjà on sait qu'il y aura des dessinateurs successifs.
Je tiens à m'excuser si je commets un sacrilège en indiquant que je n'ai pas aimé cette oeuvre. Cela peut toucher certaines susceptibilités tant le sujet semble sensible. On préferera peut-être l'oeuvre originale que cette adaptation en bd.