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lus les événements se rapprochent de nous, plus le temps semble se compresser. Après deux tomes étalés sur deux cents ans, le troisième volume des Meilleurs Ennemis se concentre sur trois décennies seulement, de 1984 à 2013. Certes, entre la chute du bloc de l’Est, la folie de Saddam Hussein et l’apparition d’un nouveau type de terrorisme global, cette période a été des plus riches. Les relations – tendues depuis leur commencement - entre les USA et le Moyen-Orient ont continué à se distordre et s’inverser, avant de finir dans le sang ; comme d’habitude direz-vous.
Plus encore que dans les deux premiers épisodes, Jean-Pierre Filiu a dû batailler ferme pour résumer d’une manière compréhensible et synthétique l’embrouillamini géopolitique moyen-oriental. Si le plan initial – les Américains et les Arabes - est globalement tenu, il lui a été impossible de ne pas élargir son propos. En effet, la multiplication des acteurs, aussi bien locaux qu’internationaux, oblige à voir un peu plus loin pour appréhender convenablement la situation. Résultat, principalement à cause du format court de l’ouvrage, son analyse souffre parfois d’un manque de nuance ou, mais c’est plus logique, d’un certain manque de recul pour vraiment bien apprécier tel ou tel fait. Au final, sa narration est néanmoins plus que convaincante et constitue une excellente introduction (ou un rappel salvateur) sur la complexité et les origines étonnantes de nombreuses crises passées et actuelles.
Graphiquement, même si David B. n’est décidément pas le plus à l’aise lorsqu'il est question de modernité, son travail s’avère d’une qualité exceptionnelle. Métaphores graphiques judicieuses, un réel talent pour la caricature (les différents protagonistes sont immédiatement reconnaissables) et une mise en page recherchée et originale, l’ensemble forme un tout compact et homogène admirable. Le dessinateur d’Hâsib et la Reine des serpents n’oublie jamais sa première tâche, celle de conteur. Malgré le foisonnement de détails et d’encorbellements figuratifs, son travail reste toujours ultra-lisible et invariablement agréable pour l’œil.
Trilogie indispensable pour l’amateur d’Histoire contemporaine, Les Meilleurs Ennemis se révèle être également une bande dessinée de haute volée. Que demander de plus ?