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ason est chasseur de prime, prompt à voler au secours de la veuve, de l'orphelin ou de la jeune femme sans défense, aidé dans son combat contre les forces du mal par un talisman qui le rend invincible. Il se trouve néanmoins fort dépourvu lorsqu'il vient délivrer Tamina des griffes des Koffons, des brutes épaisses bien décidées à offrir en sacrifice la fille du roi des Astriens. A peine sauvée, la princesse se précipite dans les bras de Megaron son bourreau, victime du syndrome des Stockholm. Megaron est un géant à tête de cochon, et alors ? Le vil Crispin est bien en sucre !
Qu'il semble aisé de se lancer dans la création d'une série d'héroïc fantasy. C'est à la mode depuis de nombreuses années et la source ne semble pas se tarir au vu du perpétuel déferlement de nouveautés parmi lesquelles il est toujours délicat de réussir à trouver son éventuel bonheur de lecture. Megaron fait partie des bonnes surprises du genre de la rentrée. L'approche humoristique et décalée en est la cause principale. Quelques expériences, plus ou moins réussies, ont déjà été tentées (Krän, La quête des réponses, Salëm la noire, L'agence barbare, …), et Patrick Pion et Mathieu Sapin ont décidé de se lancer à leur tour dans un exercice difficile : combiner avec qualité potacherie et quête épique.
La galéjade est habilement amenée. Ni la couverture, assez classique, ni les premières pages ne laissent présager de la tournure que prend rapidement le récit. Jason devient une marionnette risible aux mains de ses créateurs, outil de parodie du héros typique sans peur et sans reproche. Pendant ce temps Megaron prend comme surnom "Ronnie", passant de la brute épaisse monstrueuse à l'état d'étalon macho avec pour seul objectif de se carapater vite fait de cette quête dont il n'a cure. La première impression peut donc être trompeuse et laisser penser que nous avons à faire à une bande dessinée de plus qui ne restera pas dans nos mémoires. Le graphisme de Patrick Pion est d'ailleurs en harmonie avec le genre : grosse poitrine et pectoraux saillants, le tout dans une ambiance d'ombres assez proche de l'un de ses anciens camarades de formation Benoit Springer, en plus brouillon peut-être, Conan le Barbare n'étant pas loin. C'est finement joué pour tromper l'ennemi. Son trait se marie également très bien avec le ton rigolard qui prend ensuite le dessus, le choix est donc judicieux.
Le montage et l'imbrication des différentes séquences sont d'une intelligence rare, permettant d'introduire des éléments faisant rebondir à retardement et de façon inattendue une histoire déjà complètement loufoque. Megaron est juste déroutant, fait d'un mélange des poncifs du genre et de second degré qui, s'ils ne laissent aucun doute sur l'aspect parodique de l'ensemble, peuvent rebuter. Un style difficile à maîtriser, le deuxième tome nous aiguillera sûrement sur la confirmation d'une réussite ou d'un essai non transformé.