Résumé: Le directeur des éditions Couicoui devrait être content : le nouvel album des aventures de Pin-Pin le petit lapin, fleuron de son catalogue jeunesse, se vend comme des petits pains. Problème, celui-ci n’a visiblement pas été relu... Certaines de ses répliques semblent être destinées à un public plus adulte. Beaucoup plus adulte. Pour éviter le scandale éditorial du siècle, notre éditeur et son assistant vont devoir se mettre en quête des exemplaires imprimés pour les faire disparaître définitivement. Sauf que pendant ce temps, l’auteur, lui, travaille déjà sur son prochain ouvrage. Et il compte bien aller encore plus loin...
Entre course-poursuite humoristique et parodie trash de livre jeunesse, ce nouvel album de Jonathan Munoz dresse avec humour (et brio) un portrait grinçant du paysage éditorial. Après Le Dessein, une mise en abyme de fond et de forme témoignant à la fois d’une parfaite maîtrise des codes du medium et d’une grande lucidité sur le monde du livre et la condition d’auteur.
L
es épisodes de Pin-Pin le lapin pompier se suivent et se ressemblent. Tellement que plus personne n’y fait attention ; le directeur de collection néglige même parfois de lire les planches avant de publier les albums. Les choses basculent lorsqu’un des personnages y va d’une déclaration enflammée : « Ma femme a le feu au cul ». Et ce n’est que le début. Les enfants se plaignent, la police intervient, les éditeurs paniquent, prennent la fuite et partent à la recherche de l’auteur. Pendant ce temps, ce dernier, convaincu d’être sur la bonne voie, leur expédie des compositions glauques.
Le lecteur y voit des soldats mutilés, des mers d’urine, des vieillards sodomisés ou encore une martyre sur le point de se faire exploser (nerveuse lorsqu’elle s’imagine seule avec soixante-dix puceaux). Bref, Sébastien Munoz tire sur toutes les cibles, il n’y a pas de censure et il n’y a pas de tabous. L’ensemble s’avère sympathique, souvent amusant, mais présente ses limites, notamment un rythme de lecture assez rapide et une trame narrative un peu mince, assurée par quelques pages racontant la poursuite de l’écrivain dépressif. Il est d’ailleurs tentant de tracer un parallèle avec un célèbre bédéiste belge qui, frappé de surmenage, a délaissé son public enfantin pour se consacrer à ses Idées noires.
La plus grande partie de l’ouvrage relève davantage du dessin de presse que du neuvième art ; il n’y a pas de cases et pratiquement pas de phylactères. Le trait, caricatural et ludique, offre un intéressant contrepoint au sombre propos. L’exercice permet par ailleurs à l’artiste de démontrer sa polyvalence en intégrant des segments de bande dessinée de deux styles très différents. Enfin, la colorisation ajoute un niveau de sens : les illustrations se révèlent presque exclusivement en gris, la quête des acteurs adopte un ton sépia et les aventures du rongeur la pleine couleur.
Un recueil hilarant qui plaira aux nostalgiques du magazine AAARG, lequel se trouve maintenant sous l’aile de Glénat. Mauvaises mines est du reste une des premières publications de la collection GlénAAARG.
Les avis
BudGuy
Le 06/02/2021 à 18:27:42
Vous aimez l'humour noir ?
Vous appréciez les saillies humoristiques de Fluide Glacial ?
Vous aimeriez lire autre chose que des oeuvres politiquement correct ou trop bien pensante ?
Alors "Mauvaise mines" est fait pour vous.
Affirmer que cette bande-dessinée est dotée d'un humour corrosif est un doux pléonasme, tant Jonathan Munoz passe notre société au vitriol et tire au bazooka sur le politiquement correct et les dysfonctionnements sociétaux actuels.
Le dessin alterne entre dessins minimalistes enfantins et pages avec illustrations détaillés, d'ailleurs mention spéciale à la couverture qui met tout de suite dans l'ambiance ^^
Mes deux seuls regrets résident dans le fait que c'est une oeuvre trop courte et que certaines institutions, groupes de pression et autres casse-pieds politico-journalistico-débiles ne soient pas représentés.