Résumé: « Qui nous sommes vraiment, nous les Dalton ».
1908. Oklahoma. Emmett Dalton n’est plus un criminel depuis longtemps. Il a payé sa dette à la société, il se contente d’une existence discrète et tente même parfois de visiter l’église pour prier – sans trop de succès pour cette dernière activité. Aussi lorsqu’un producteur de cinéma lui propose de participer à l’écriture d’un film consacré aux méfaits de sa légendaire fratrie, il se méfie, refuse, puis réalise finalement qu’une chance lui est offerte : évacuer le mythe, rétablir un semblant de vérité et sauver la réputation de sa famille. Les quatre frères Dalton ne sont pas nés hors-la-loi. Au contraire ! Ils ont tous endossé le rôle de Marshal à l’aube de leurs carrières, et c’est n’est pas de plein gré qu’ils ont plus tard embrassé des vies de fugitifs... Qui d’autre qu’Emmett, seul survivant, pour déterrer ces douloureux souvenirs et conter sans hypocrisie la véritable histoire des Dalton.Récit ancré dans une Amérique qui regarde le Far West comme une époque quasi révolue, Mauvaise Réputation renoue avec les habitudes d’un Western réaliste, dur et mélancolique. Il dépeint un Ouest américain démythifié où la violence et le chaos, bien qu’inévitables, ne sont jamais exagérés ou glorifiés. Magnifiquement porté par le dessin d’Emmanuel Bazin – quelque part entre Edward Hopper et Mathieu Bonhomme – Antoine Ozanam creuse en profondeur la psychologie de ses personnages et livre un récit subtil et touchant.
O
klahoma, année 1908. John Tacket, un producteur de cinéma, décide de plancher sur le scénario d'un film retraçant le parcours des frères Dalton. Pour que le récit sur un des plus célèbres groupes de hors-la-loi soit retranscrit le plus fidèlement possible, expliquant, entre autres, comment et pourquoi ils sont passés de marshalls respectables à bandits notoires, il a besoin d'un témoignage crédible. Mais pas n'importe lequel : c'est Emmet, dernier vivant de la fratrie, qui accepte de se mettre à table pour vous compter la véritable histoire.
« Ecoutez, bonnes gens, la cruelle
Et douloureuse histoire des frères Dalton
Qui furent l'incarnation du mal
Et que ceci serve d'exemple
A tous ceux que le diable écarte du droit chemin. »
« Sauf que moi, Bob, deuxième du nom, j'affirme haut et fort que ma famille a toujours été honnête. » N'en déplaise à Morris et à Goscinny, mais si Lucky Luke, célèbre personnage fictif de la bande dessinée, dégainait plus vite que son ombre face au quatuor le plus redouté du Far West, il le devait uniquement à l'imagination et à l'inspiration du duo d'auteurs. Caricaturés, brocardés, souvent présentés comme des crétins, les nombreuses péripéties du gang Dalton ont amusé toutes les générations de lecteurs, faisant rire petits et grands encore à ce jour. C'était l'objectif affiché, intentionnellement bien différent de ce que fut la réalité.
« Tagada, tagada, voilà les Dalton
Tagada, tagada, voilà les Dalton
C'étaient les Dalton
Tagada, tagada, y a plus personne »
Si, il y a Antoine Ozanam pour relayer une confession forte et en définitive, pleine de compassion, parce qu'elle relate par dessus tout, une trajectoire, comprenant ses forces et ses faiblesses. Les préjugés et les idées reçues, il était déjà parvenu à les balayer dans son très bel hommage rendu à Popeye, Un homme à la mer. Découpé en chapitres, eux-mêmes délimités par des "unes" de journaux spécialement créées pour l'occasion, l'ouvrage plonge dans les souvenirs inaltérables et douloureux d'Emmet, ultime survivant de la famille Dalton. Il y évoque son parcours atypique ainsi que ceux de Robert, Gratton et William, d'abord en qualité d'honorables citoyens au service de leur nation avant de s'achever quelques années plus tard dans la crapulerie et le sang, contre leur gré, le mauvais sort s'acharnant tel une balle perdue. La vérité, si elle est édifiante et claque comme les portes d'un saloon prises dans un gros courant d'air, se dévoile rapidement pour capter aussitôt l'attention et l'intérêt, ne laissant aucune chance à l'ennui et au superflu de pouvoir s'installer.
Un dessin se regarde. Celui d'Emmanuel Bazin se contemple ! Faisons fi des imperfections remarquées sur les faciès pour souligner le travail remarquable effectué sur les décors, sublimés par des pastels de vert, de noir et de blanc. L'auteur, qui réalise ses premières armes, fait mouche et invite à participer au drame qui se joue dans ce premier épisode. La couverture, échantillon représentatif d'une succession de superbes planches, donne le ton et démontre toute l'étendue de son talent.
Biographie chronologique poignante, Mauvaise réputation corrige le tir et remet le lecteur dans le droit chemin.
- Couplet et refrain extraits de la chanson « Les Dalton » interprétée par Joe Dassin -
La preview
Les avis
Erik67
Le 18/08/2021 à 08:28:14
Voici la véritable histoire d'Emmett Dalton, très loin de la vision imposée par la série Lucky Luke. Les frères Dalton étaient des shérifs reconnus qui faisaient appliquer la loi avant de basculer.
Pour autant, ils étaient très mal payés ce qui les poussa dans des combines pas très légales comme la vente d'alcool auprès d'indiens. Voilà ce qui se passe quand on paye mal des fonctionnaires de police !
Certes, il y a eu cette partie de poker truqué qui a mal tourné puis cette fausse accusation d'un hold-up concernant un train de la Wells Fargo avec deux machinistes tués. Tout a vite dérapé dans la violence. Les frères Dalton se sont faient une mauvaise réputation car ils ne se laissaient pas faire en se protégeant mutuellement. On se rend compte que la vérité des faits est bien éloigné de la légende populaire.
C'est un beau témoignage presque authentique afin de réhabiliter leur image cliché qui souffrait du ridicule.
Yovo
Le 01/07/2021 à 10:47:48
Il y a une classe intense dans cet album qui privilégie clairement l'esthétique à l'action.
Il y aurait beaucoup à dire sur l'impressionnante partie graphique. A commencer par la superbe couverture qui en dit long sur la faculté d'Emmanuel Bazin à maitriser les vides et la lumière.
Les personnages paraissent souvent cernés de solitude et de silence, au cœur d'espaces trop vastes pour eux.
Les décors sont magnifiques, à la fois vaporeux et précis, parfois rehaussés de reflets ou de contrejours ; quelque part entre Edward Hopper et Voutch.
Le découpage est classique mais efficace et la palette de bleus et de verts mélancoliques confère à chaque planche une élégance sobre et distinguée. Un travail vraiment splendide.
Cette prédominance de l'image est favorisée par un rythme lent et des dialogues assez brefs. La narration, d'ailleurs, aurait pu gagner à être plus linéaire. Je m'y suis perdu de temps en temps, ne sachant plus trop qui est qui, avec cette impression de n'avoir que quelques pièces disparates d'un puzzle. A ce niveau-là, j'espère un peu plus de clarté au prochain tome. Mais finalement ça ne m'a pas semblé non plus si important que ça dans cette ambiance planante.
Bref, bien plus qu'une biographie terre à terre, "Mauvaise réputation" est un western contemplatif qui ne fait pas dans le bourre-pif. Cela donne à la mythologie Dalton une autre dimension, plus réaliste et teintée d'une poésie sombre, comme le film "L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" l'avait fait pour une autre figure culte de l'imaginaire collectif. Et ça fait du bien !