Info édition : Noté "Première édition" Cahier graphique de 8 pages en fin d'album.
Résumé: En 1816, sur les bords du Lac Léman, la jeune Mary Shelley s'éprend du médecin de Lord Byron, l'incroyable John Polidori. Ce dernier a réussi, avec le lieutenant Joseph Burton et le docteur Robert Darwin, à perfectionner les expériences d'Aldini : redonner la vie à des tissus morts en y diffusant un courant électrique. Mais lorsque Mary le rejette, Polidori sombre dans la folie…
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i]« La frontière est ténue entre le médecin et le charlatan. Ils peuvent basculer à n’importe quel moment en dehors du champ de la science… et de la morale. Mais l’audace, Mary [Shelley], est la ressource des plus grands médecins, des plus grands scientifiques. »
« Quand on sait ne pas aller trop loin, John [Polidori]... »
Comment insuffler de la modernité au roman gothique et aux propositions littéraires qui interrogent, sous l’influence de L’Origine des espèces (Charles Darwin, 1859), les liens entre l’homme et l’animal tout au long du XIXe ?
Le scénariste Philippe Pelaez a sa petite idée sur la question. En 2019, il propose une vision contemporaine de la nouvelle de Richard Connell, Les chasses du comte Zaroff (1924). Celle-ci permet d’offrir le « jeu le plus dangereux » à un aristocrate russe afin qu’il puisse se venger du sceau de l’infamie qui pèse sur sa lignée. Aussi, les héritiers, plus ou moins directs, d’Emily Brontë, de Richard Francis Burton, de Charles Darwin et de Mary Shelley sont conviés dans un magnifique manoir au parc arboré. De quelle manière ces proies célèbres ont-elles été choisies ? Ce n’est encore qu’un mystère. L’histoire adopte alors un ton légèrement fantastique dont la consistance repose uniquement sur l’engagement de l’écrivain : revenir prochainement aux origines du mal. Débute ainsi un voyage à rebours qui donne de l’assise à ce tome inaugural.
Le deuxième volume, Moreau se déroule en 1848. La mécanique est semblable, un étrange individu invite des personnalités distinguées pour satisfaire sa mégalomanie et révéler à la face du monde son génie. Le parterre de convives provient une nouvelle fois de ces familles prestigieuses dont le lecteur découvre l’empreinte de leurs actions sur les descendants des Zaroff. En revanche, qu'en est-il du lien qui unit ce Moreau à ses hôtes émérites ? Car, évidemment, c’est bien ce savant fou – peu ou prou sortie de L’Île du docteur Moreau de Herbert Georges Wells (1896) – qui se révèle être la pierre angulaire du récit. Il convient de poursuivre la plongée antéchronologique jusqu’aux prémices de la diablerie avec la conclusion de la saga - Shelley (1816).
Sans trop en divulguer, aux sources de cette haine, l’auteur mêle des conjectures scientifiques tel que les expériences de Giovanni Aldini sur le galvanisme, ou encore la pile d’Alessandro Volta. Comme toujours, l’amour immodéré prend une place prédominante. Au point que les sentiments justifient une étude sur plusieurs générations des conséquences de la mythologie de la création. À l’avenant des précédents albums, l’ouvrage est distinctement orchestré et le spectateur y trouve l’attendu, mais dévoilé une manière addictive.
La partition graphique n’est pas en reste. L’artiste Carlos Puerta verse dans le réalisme avec une peinture informatique absolument maîtrisée. Ses effets de matières – souvent des hachures au pinceau d’un calibre plus épais - accrochent le regard. L’habillage ocre et sépia accompagne les costumes et les fastueux décors. L’immersion au cœur du long métrage d’époque est parfaitement réussie. D’ailleurs, quelques figures semblent sortir tout droit du grand écran – ainsi, par endroits, l’héroïne prend les beaux atours de l’actrice Cate Blanchett. Que dire de la diversité des expressions faciales et des gestuelle des protagonistes, outre que cette justesse participe à l’animation des planches. À son aise dans les scènes d’intérieur comme en pleine tempête, l’illustrateur livre une somptueuse copie. Bravo !
Maudit sois-tu aborde astucieusement l’œuvre de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818). La narration à contre-courant provoque une descente de l’étrangeté contemporaine vers le réel du XIXe, voire du dépassement de « l’ordre naturel » vers la dévotion à Dieu. Contre-intuitif, malicieux et esthétique !
Lire la chronique de tome 1, Zaroff.
Lire la chronique de tome 2, Moreau.
Les avis
franp
Le 26/08/2024 à 14:29:08
Avis sur la série - Ben voilà, je n'ai pas accroché à cette trilogie à rebours, pot pourri de tous les romans fantastiques du début du XIXe siècle au début du XXe siècle. C'est vraiment tiré par les cheveux (les personnages des romans sont en fait leurs écrivains, ce qui n'apporte rien à l'histoire ...), et tout ça est émaillé d'une relecture philosophique qui n'est qu'une paraphrase des romans utilisés, sans y ajouter quoique ce soit de nouveau. Il n'y a pas de plus-value dans cette BD. Bof.
yannzeman
Le 02/03/2022 à 09:43:40
Moi aussi, j'ai bien aimé ce "dénouement" rétroactif, avec son lot de révélations.
C'est toujours aussi bien dessiné, Puerta est vraiment très bon, mais j'ai été perturbé dans ma lecture par la ressemblance assumée avec des acteurs connus, parce que, sans arrêt, j'essayais de les reconnaitre, de voir si ils étaient ressemblant.
Le scenario de ce tome 3 est plus tranquille, en apparence, que celui des précédents ; le drame remplace les horreurs. Et le choc final est inattendu. C'est bien joué.
J'ai été moins touché que par le tome précédent, mais cela m'a donné envie de tout relire, maintenant que la trilogie est complète. Mission accomplie !
kingtoof
Le 15/02/2022 à 09:08:09
Je mets 4 étoiles pour ce dernier opus de la série, pour valoriser l'ensemble de triptyque.
Le scénario de ce 3ème tome est bien construit et l'avancée de la chronologie est bien marquée. De plus, les dessins sont toujours excellents.
Le point de départ : le séjour de Mary et Percy Shelley au bord du Lac Léman en compagnie de Lord Byron... et de son séduisant jeune médecin...
judoc
Le 22/01/2022 à 14:24:26
Maudit sois-tu « futur lecteur » qui n’a pas encore ouvert le premier album de cette trilogie. Maudit sois-tu car j’envie cette possibilité insolente qui t’est offerte désormais de pouvoir enchaîner et découvrir cette « intrigue familiale fantastique » et ses trois albums les uns à la suite des autres.
Si chaque histoire (une par tome) se suffit à elle même, cette trilogie généalogique prend toute sa dimension à la lecture des trois albums et au prix d’une remontée dans le temps que je qualifierais d’addictive.
Le dessin apporte son lot au frisson et à l’intrigue, et si j’ai parfois trouvé qu’il compliquait la lecture avec des personnages trop semblables sur certaines scènes, j’ai apprécié de retrouver des airs de famille chez les protagonistes du même sang nés plusieurs dizaines d’années plus tôt. Le bestiaire, les paysages (qu'ils soient urbains ou naturels) et l'ambiance sont absolument remarquables.
Une série où l’imaginaire se confond au réel dans un paradoxe de subtilité et de sauvagerie déroutant !
L’arbre généalogique du premier tome est d’une aide inestimable et les dossiers « pour aller plus loin » éclairent là aussi la lecture de cette trilogie captivante.