Résumé: Dans les histoires policières, il y a le qui, le comment et le pourquoi d’un crime. Gitta Sereny, journaliste spécialisée dans les enquêtes sur les racines du mal au sein des rangs nazis, aborde le cas Mary Bell par cette dernière question. Mary Bell est cette petite fille de 10 ans, qualifiée de psychopathe par la presse, et condamnée à la prison à perpétuité pour le meurtre de Martin Brown, 4 ans et de Brian Howe, 3 ans, par étranglement. Le procès est expéditif et personne n’interroge alors les raisons de ces actes monstrueux qui font scandale dans la Grande Bretagne en 1968. Gitta est bouleversée par ce qu’elle découvre …Vingt-sept ans après les faits, décidée à comprendre ce drame, elle demande à Mary Bell, finalement libérée et mère d’une petite fille, de révéler toute sa vérité. Elles plongent alors ensemble dans les souvenirs de Mary, en quête de révélations douloureuses mais aussi de réparations.
À travers ce récit très fort en émotions, Théa Rojzman au scénario et Vanessa Belardo au dessin montrent toute la force et l’importance du journalisme d’investigation révélant la triste réalité, toujours d’actualité, d’une Société défaillante face aux malheurs de ses enfants. En partie adapté du livre de Gitta Sereny, Une si jolie petite fille : Les Crimes de Mary Bell, ce roman graphique saisissant cherche les origines de la violence et rend justice au concept de « comprendre n’est pas excuser ». Il montre aussi que comprendre, c'est déjà agir face à cette violence.
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n 1968, à Newcastle upon Tyne, deux jeunes garçons, Martin Brown et Brian Howe, sont retrouvés assassinés à quelques jours d’intervalle. Un procès retentissant aboutit à la condamnation à perpétuité de Mary Bell, une fillette de 11 ans. En 1995, la journaliste Gitta Sereny décide de plonger dans les souvenirs de la jeune femme pour comprendre les raisons profondes de ces meurtres.
Publié aux éditions Glénat, dans la collection Karma, Mary Bell, l'enfance meurtrière, scénarisé par Théa Rojzman et illustré par Vanessa Belardo, est un roman graphique sans concession qui allie avec brio le documentaire à la fiction.
Habituée des thèmes sociaux, Théa Rojzman offre ici une véritable plongée dans les tréfonds de l'âme humaine et les bas-fonds de cette ville industrielle du nord de l’Angleterre. En s'appuyant sur la réalité, elle propose une interprétation poignante, mais juste, de cette histoire où la coupable est aussi une victime. Sans jugement, mais avec le souci d’expliquer sans absoudre, elle retrace les premières années de Mary à travers ses échanges avec sa biographe, de flashbacks et ses cauchemars. Ce faisant, la scénariste va au-delà des faits pour en appréhender la genèse et finir par tomber en enfer, sans pour autant sombrer dans le pathétique ou le dramatique. Toujours sur la corde raide, elle donne à son récit une complexité et un réalisme qui tendent à gommer la frontière entre réalité et fiction.
Sur un tel scénario, Vanessa Belardo (et Stefano Ronconi pour la mise en couleurs), produit une partition dessinée sobre et puissante. Avec un trait fortement encré, elle travaille ses expressions comme ses ambiances avec une intensité et une structuration de ses planches qui doivent certainement beaucoup à ses collaborations sur les productions Bonelli Editore.
Véritable réussite visuelle et narrative, Mary Bell, l'enfance meurtrière ne peut laisser indifférent tant par le sujet abordé que par le traitement proposé par les deux auteures. Il mérite amplement sa place parmi les meilleurs romans graphiques de ce début d’année. À découvrir.
Les avis
Sweethy
Le 05/12/2025 à 16:55:06
J'ai découvert le personnage de Mary Bell et son histoire terrifiante grâce à cette bande dessinée. Ne connaissant pas du tout ce fait divers, j'ai trouvé l'œuvre très intéressante et elle a capté mon attention, même si elle m'a plongé dans un récit humain extrêmement difficile, qu'il était important de raconter afin d'humaniser le sujet et de comprendre la personne derrière l'acte.
Dès le départ, j'ai eu une petite réserve sur le style graphique de Vanessa Belardo. Le trait est stylisé, et j'ai eu du mal à m'y faire au début, car je m'attendais peut-être à quelque chose de plus réaliste ou de plus sombre.
Ensuite, le scénario de Théa Rojzman est dense en raison de sa construction. Le récit est décousu, sautant entre l'enfance de May, le procès, et les entretiens de Mary Bell adulte avec la journaliste Gitta Sereny. Cette fragmentation m'a parfois désorienté, bien que l'histoire soit restée intéressante.
Cependant, cette construction narrative est en fait la force de l'œuvre. En refusant le sensationnalisme (comme pour les abus traités symboliquement), Théa Rojzman et Vanessa Belardo réussissent à court-circuiter le voyeurisme et nous forcent à nous concentrer sur la psychologie du drame.
La journaliste Gitta Sereny joue un rôle crucial en servant d'ancrage et de guide, aidant Mary à déterrer et à confronter ses souvenirs traumatiques pour analyser la mécanique de la tragédie.
En fin de compte, l'œuvre m'a profondément touché en tranchant la question essentielle : on ne naît pas monstre, on le devient par les traumatismes de l'enfance.
C'est une lecture marquante qui, malgré mes réserves artistiques, réussit son pari essentiel : nous faire comprendre les causes sociales et familiales du drame, au lieu de nous laisser au simple jugement moral.