L
a vente de la maison de ses parents provoque un déclic chez Robin. C’est là qu’il a vécu son enfance et, aujourd’hui encore, où il a établi son atelier. Tant de souvenirs sont liés à cette demeure ! Et puis, il y a Maria, la femme de ménage qui, au fil du temps, est devenue bien plus qu’une employée. Au fait, comment cette émigrée portugaise est-elle arrivée en France ? D’ailleurs, pourquoi autant de Lusitaniens ont-ils choisi de quitter leur pays durant les années 60 ? Que sait-on vraiment de l’Histoire récente de cette petite nation posée à l’extrémité sud-ouest de l’Europe ?
Astucieusement construit, Maria et Salazar mêle constamment tranches de vie autobiographiques et œuvre de mémoire. D’un côté des réminiscences d’instants heureux, à un âge où ne se posait pas de question sur les gens, de l’autre, une certaine nostalgie (la saudade, Portugal oblige) d’une époque dure, mais heureusement révolue, se côtoient et se superposent. La méthode est simple et pertinente. Cette accumulation de petits moments perdus raconte en fait la véritable nature des existences.
Au centre des débats, Robin Walter joue le double rôle de narrateur et de détective. Il met en scène ses propres images et celles de Maria qu’il habille de détails historiques. Pour ce faire, il court à gauche et à droite tentant de retrouver des témoins et hante les médiathèques à la recherche de précisions. Sans jamais tomber dans le piège du manuel scolaire, le résultat final n’est peut-être pas le plus exhaustif, mais il se montre fidèle et, surtout, profondément humain. Émigrés, travailleurs étrangers, saisonniers, derrière ces mots si souvent synonymes de peur ou de rejet se cachent des hommes et des femmes courageux que des circonstances parfois dramatiques ont forcé à changer d’horizon. L’auteur de KZ Dora leur rend un hommage sincère en n’oubliant pas de souligner l’importance de leur participation à la vie économique française.
Une anecdote comme il en existe des millions, transformée en un portrait touchant mêlée à une plaidoirie pour le respect d’autrui, Maria et Salazar s’avère être une lecture prenante et agréable, qu’on soit d’ici ou d’ailleurs.