L
e 10 juillet 1896, l’amphithéâtre de La Sapienza à Rome est comble. Étudiants, journalistes et curieux s’y pressent : une femme va y soutenir sa thèse en médecine ! Avant que Maria Montessori ne prenne la parole, le ministre de l’Instruction publique, soutien dès le début, rappelle son parcours difficile pour incorporer un cercle très masculin. Reconnue par ses pairs, la docteure fraîchement émoulue travaille dès lors au contact de jeunes déficients mentaux et entreprend d’améliorer leur quotidien en leur fournissant des activités. Elle se nourrit, en parallèle, des travaux d’éminents confrères, tout en développant ses propres observations et expériences. Militante féministe et attachée au bien-être des enfants, elle mène ses combats avec rigueur et passion, tant en Italie qu’à travers le monde. Elle traverse ainsi la première moitié troublée du XXe siècle sans faillir à ses convictions, même quand l’État fasciste tente d’instrumentaliser son système d’écoles.
Indissociable des pédagogie actives, le nom de Montessori est associé à plus de 35 000 institutions scolaires disséminées sur les cinq continents – dont deux cents en France –, ainsi qu’à une série d’outils aidant aux apprentissages des bambins. Cependant derrière l’étiquette, il y a une penseuse aux multiples casquettes (elle était à la fois médecin, psychiatre, psychologue, pédagogue, inventrice, philosophe et écrivaine) qui reste encore largement dans l’ombre de son œuvre. Pour mieux la faire connaître, Caroline Lepeu, scénariste et accompagnante à la parentalité, s’est associée au dessinateur Jérôme Mondolini pour transcrire en bande dessinée la destinée de cet être d’exception.
À travers plus de cent soixante-dix pages, cette biographie en BD brosse le portrait d’une femme de caractère, entièrement dévouée à ses recherches, aux petits qui lui sont confiés ou qu’elle côtoie et à une vision humaniste de l’éducation. Bien documenté et s’appuyant sur les écrits de la protagoniste, le récit éclaire les diverses luttes qui ont animé l’existence de Maria Montessori. Des entraves prévalant dans son milieu d’origine bourgeois qui ne conçoit pas qu’une représentante du beau sexe s’instruise et travaille à l’égal des hommes, aux préjugés persistants envers les capacités des gamins, en passant par la tentative mussolinienne de phagocyter et dénaturer les établissements de la pédagogue, tout est relaté dans trois chapitres fournis. Une foule de figures prestigieuses défile, montrant combien l’Italienne était liée aux avancées de son époque sur la question dans les domaines médicaux, sociaux et psychologique. Par ailleurs, la dimension féminine du personnage n’est pas oubliée. Sa relation clandestine avec son mentor le professeur Montesano et Mario, le fils né de leurs amours, sont aussi présents dans cette évocation. Elles soulignent l’engagement constant de Maria, sa maternité, mais aussi les sacrifices consentis aux conventions sociales.
Le propos s’appuie sur le graphisme agréable de Jérôme Mondolini. Le trait est réaliste, assez expressif et croque avec justesse les nombreux intervenants – le lecteur reconnaitra sans peine Freud, Picasso ou Gandhi. Quoiqu’un peu sage, le dessin n’en restitue pas moins efficacement les différents moments et atmosphères du récit. Les plans alternent entre des scènes cloisonnées et d’autres plus larges, toutes aussi soignées et détaillées les unes que les autres. Quelques vues d’ensemble, notamment en extérieur apportent des respirations bienvenues. Avec sobriété, une mise en couleur sépia – parfois bleutée – confère du relief aux vignettes, dont quelques-unes restent cependant dans des tons grisés. Seul regret : une couverture aux teintes tranchantes qui ne donne pas vraiment envie de se pencher sur l'album - un tort !
Intéressant par son sujet et la personne qu'il présente, Maria Montessori - L'école de vie, dans la collection MARAbulles de Marabout, mérite pleinement de s'y attarder. Notez qu'en octobre prochain, les éditions Steinkis sortiront également une BD sur la célèbre pédagogue.