Résumé: Un conte horrifique raffiné et dérangeant inspiré de la légende populaire de la Pantafa.
À la fin des années soixante-dix, Ernesto, apprenti journaliste, traverse l’Italie pour recueillir des histoires et des témoignages d’un pays qui semble disparaître sous les coups de la modernisation. Ce voyage est l’occasion de revenir pour la première fois à Malanotte, village de ses ancêtres, que son père a brusquement décidé de quitter. D’abord invité et choyé comme l’enfant prodigue de retour, Ernesto va rapidement devenir en menace, un corps étranger qui doit être expulsé dès que possible. La raison ? Une effroyable malédiction qui pèse sur sa lignée… et dont il est désormais la cible.
Marco Taddei et La Came font se rencontrer la modernité et le passé dans Malanotte – La malédiction de Pantafa, un récit psychologique, doublé d’un retour aux sources et d'une fable initiatique. Élément perturbateur, Ernesto joue le rôle du grain de sable dans une communauté semblant restée en marge du cours des choses. Seulement, il faut se méfier des apparences et derrière la bonhommie paysanne, se cache, outre une bonne quantité de rancœur, énormément d’acuité et de vérités nettement plus modernes qu’il y paraît. Comme l’a su le faire Zerocalcare avec l’excellent A ta mort, ce sera à toi, le scénariste mélange adroitement les genres et les époques. Il en résulte un album particulièrement riche et aux thématiques très variées.
Sara, émouvante proche-aidante condamnée par les circonstances à rester sur place, Zara, l’ivrogne jamais à court d’anecdotes plus ou moins pertinentes, le maire, éternel optimiste, un curé pressé peu enclin à la discussion et un beau lot de commères s’affrontent, se chamaillent et se réconfortent dans des ruelles écrasées par un soleil accablant. Par contre, dès que la nuit tombe, l’ambiance change du tout au tout et s’est au tour des fantômes d’hier d’occuper les lieux et les esprits. Pauvre Ernesto, il est forcé de constater que ses certitudes sont en fait bien fragiles. Tant au niveau du protagoniste principal que des différents acteurs, cet ensemble de portraits s’avère admirable de précision et d’humanité.
Visuellement, le travail de Laura La Came n’est pas moins remarquable, même si la dessinatrice se montre plus à son aise avec les scènes nocturnes et «architecturales» que dans l’animation des personnages. Son superbe N&B charbonneux et rempli de textures poudreuses fait frissonner dès que les âmes damnées se mettent à errer dans le hameau. Pour les «vivants», son trait est moins assuré, peut-être trop caricatural ou simpliste, elle peine à transmettre adéquatement toutes les émotions en présence. Heureusement, il ne s’agit que d’un petit bémol très secondaire qui n’enlève rien de crucial à une très belle copie.
Intéressant, touchant et doté d’une identité forte, Malanotte – La malédiction de Pantafa arrive à mêler l’intime et l’universel d’une manière totalement convaincante. Un très bel ouvrage.