Résumé: Que faire quand on est un Mob (mâle occidental blanc) hétérosexuel quarantenaire omnivore athée en bonne santé, sinon dominer le monde ? Ce spectacle dessiné, premier « stand-bdup » de l’histoire de l’humanité, se lève contre le déterminisme absurde qui assigne à chaque Mob un destin si prévisible. il est une prise de parole arrachée au brouhaha d’une époque troublée, un cri dans la foule contre l’indifférence à la différence, une individualité qui se tient debout pour dire : « j’existe ».
Pour affirmer haut et fort, une fois pour toutes : « ne vous laissez pas abuser par les apparences, prenez le temps d’écouter et de regarder. Car derrière chaque MOB, c’est un homme qui se cache. » disséquant toujours avec humour et beaucoup de pédagogie les maux de la société et de ses contemporains, revoici Fabrice erre chez 6 Pieds sous terre. dans la droite lignée de Le roux et de La mécanique de l’angoisse, l’auteur se met cette fois-ci en scène (oui, bien que la question n’ait pas été clairement évoquée, on pense fort qu’il s’agit d’une auto-représentation) dans le mauvais rôle dont il pourrait possiblement se sentir affublé. stand-up oblige, il pousse le curseur de la provocation et de la dérision évidemment le plus loin possible, manière d’expliciter, en creux, les angoisses qui traversent le mâle occidental blanc et le culot dont il abuse pour s’en défendre.
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Metoo, balance ton porc, à travail égal - salaire égal, sous-représentation, charge mentale, plafond de verre, discrimination, etc. Cette réalité est intolérable. Est-ce que c’est de sa faute, à Fabrice E., s’il est né mâle blanc caucasien ? Non, évidemment. Par contre, ne serait-il pas lui-même un peu «contaminé», inconsciemment ou consciemment, par l’unique fait d'être un membre de la classe dominante de l’Humanité ? Oui, non, peut-être, mais si on danse ?
Fabrice Erre invente une nouvelle forme de narration – le one man show dessiné – pour tenter de démêler un des dossiers chauds du moment. Vrai-faux essai plein d’esprit, Mal Dominant part avant-tout d’un questionnement véritable. Passées quelques définitions nécessaires, l’auteur d’Une année au lycée tente d’analyser les gestes et les réactions de tous les jours, autant les siens que ceux des différents groupes sociaux. Au centre du débat trône le Mâle Occidental Blanc ou MOB, celui-ci attire toutes les lumières puisque c’est le coupable désigné. Cependant, l’isoler ainsi et le condamner aux gémonies est un peu facile. Il a, certes, ses fautes, mais le problème est plus large, car le MOB n’est finalement qu’une pièce du grand puzzle englobant le genre humain. En prenant du recul (attention de ne pas tomber de la scène), Erre en arrive à penser que cette situation vient en partie des temps immémoriaux. En résumant beaucoup : depuis toujours, les hommes devaient et aimaient jouer des épaules. Parfois pour de bonnes raisons (mieux vaut avoir du muscle en face d'un mammouth facétieux), d’autres fois, moins (la lutte politique). L’évolution historique a ensuite joué son rôle et ces réflexes, même dénoncés et reniés, continuent à survivre et à servir de mécanismes de base aux relations humaines. Chassez le naturel et il revient au galop en quelque sorte.
Auto-dérision, avalanche de gags et explications par l’absurde, cet exposé-spectacle joue la carte de l’humour, mais sans en abuser. Conscient de la gravité de son sujet, le scénariste évite de tomber dans la simple pantalonnade. Ses effets de manche sont d’abord là afin de soutenir sa réflexion et apporter une distance indispensable pour mieux appréhender certaines notions aux frontières de la sociologie et de la psychologie comportementale. Le résultat est quand même très drôle, ne vous inquiétez pas.
Sans chercher à tout prix la conclusion ultime, Erre traite avec pas mal de pertinences (et de rigolades) sa problématique de départ. Sous le couvert d’une introspection sincère, il offre une série d'éclaircissements bienvenus et certainement salvateurs. Sur le plan BD, ce Mal Dominant est également une jolie surprise grâce à une conception originale et un ton faussement déconnant tout en nuance.