Résumé: La Crabe fait peur, ses mains ressemblent plus à des pinces qu'à autre chose, à peine deux doigts comme des antennes collées sur des boursoufflures. Mais cela n'a pas toujours été le cas. Il fut une époque où on l'appelait encore Ginette, une époque où elle était la femme de Marcelin le droguiste, une époque où Marcelin était fou amoureux de ses mains...
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On l’appelait « la crabe ». À cause de ses mains. Des mains qui n’en étaient pas, qui faisaient penser à des pinces. Deux doigts à chaque extrémité, des moignons d’où sortaient des antennes de chair, biscornues, on ne savait s’il s’agissait d’un pouce, d’un index… ou d’autre chose. »
Des enfants visent un nain de jardin et lancent, au jugé, des mots d’oiseau à l’encontre de Ginette. Cachée derrière ses grandes lunettes, que peut-elle bien ressentir et quels mystères se cachent sous sa chevelure bouffante ? Olivier Ka répond à ces interrogations en contant la vie de cette mégère sans verser dans la compassion larmoyante. Le scénariste de Capitaine Fripouille ou encore de Pieter et le Lokken manie habilement les récitatifs. Après une séquence introductive intrigante, il propose au lecteur un flash-back : Mai 1962, la quincaillerie de la rue Moulin-à-sel est tenue par Marcelin Gavoche. L’intéressé éprouve une passion pour les mains – limite fétichiste. Il vend des gants visant à protéger les pattes des demoiselles lorsqu’elles entretiennent leurs intérieurs. Des équipements allemands ou italiens, en cuir ou en caoutchouc, pourvu qu’ils puissent couvrir les menottes de ces concitoyennes. Cette droguerie possède un rayon entier de manilles, moufles et mitaines. C’est peu commun pour une petite bourgade. Néanmoins, les femmes du nord aiment à recevoir des doux compliments sur la pulpe de leurs doigts, sur la forme de leurs ongles et sur le parfum délicat de leurs paumes. Alors elles dépensent sans compter et toute la ville semble comblée. L’auteur retranscrit merveilleusement l’ambiance de l’échoppe de village, un peu à la manière de son adaptation du livre de Jean Teulé, Le Magasin des Suicides. Son tenancier est aussi rigolo qu’idolâtre et la vieille carne apparaît jeune et caractérielle. Puis la jalousie survient. Elle fait suite à l’amour. Et bientôt, la rancœur mène à la méchanceté. Logique !
Sur cet album, le dessin et la couleur sont indissociables. Marion Duclos (Ernesto, Victor & Clint) esquisse à l’aquarelle dans des tons violacés et d’autres tirant vers du vert tilleul. Elle joue du blanc du papier afin d’apporter un peu de luminosité. Les décors ne sont pas toujours finement détaillés. Toutefois, lorsque l’autrice compose ses planches, elle trace des vignettes charmantes. La prestation graphique est élégante et éclatante !
En résumé, la comédie dramatique de paluches, Les mains de Ginette, est à la fois joliment enluminée et aisément narrée !