Le 22/07/2024 à 12:48:30
Dans le yo-yo qualitatif des publications Millar je fais partie des optimistes qui voient dans le plus punk des scénaristes de comics un auteur toujours brillant qui jongle entre facilité d’écriture, feignantise du patron qui laisse ses employés graphiques faire le job et intelligence disruptive qui surgit… quand il s’en donne la peine. Après un excellent premier tome qui rappelait au monde du comic Indé qui est le boss en ouvrant d’immenses possibilités à son univers d’Harry Potter pour adulte, un second très faible épisode qui ressemblerait à un spin-off généré par une IA si ce n’était faire offense au pauvre Stuart Immonen pour le coup bien mal tombé, ce troisième tome rassure quand au potentiel des aventures des Moonstone. En semblant vouloir oublier l’égarement du précédent, le scénariste écossais ouvre une histoire en deux partie (qui se conclura au quatrième volume dessiné par Dike Ruan et que l’on espère voir rapidement en 2024) en se raccrochant résolument à ce qui avait fait le sel de l’ouverture, les parts sombres de la famille Moonstone. Le nombre de pistes ouvertes et le signal donné que personne n’était garanti de ne pas chuter permet ainsi de créer une atmosphère paranoïaque pour des lecteurs qui savent déjà que l’image n’est qu’une façade qui renferme bien rarement la réalité. Jouant sur plusieurs temporalités en juxtaposant l’histoire intime des membres du clan Moonstone (le père, la nièce, l’oncle ou… la mère!), Mark Millar joue avec nos nerfs en continuant à se faire plaisir dans un infini des possibles qui voit des créatures telles que le « puzzle-vampire » ou une sorte de Grand-Ancien sorti tout droit de l’univers Lovecraftien mettre en danger la Création. Les dialogues sont toujours aussi punchy et tout est fait pour qu’on se sente en terrain familier… juste pour nous tordre le bras à chaque page. La petite faiblesse de ce volume réside dans les planches de l’italien Gigi Cavenago surtout connu pour avoir travaillé sur le personnage de Dylan Dog. Non que l’artiste (et sa très bonne coloriste) ne réalise un travail assez remarquable, mais quand on passe après Coipel et Immonen (tous deux dans un registre assez proche, que rejoint Dike Ruan), le style de Cavenago tranche et modifie l’atmosphère réaliste recherchée par Millar. En adoptant un design anguleux en aplats, le dessinateur est parfois moyennement lisible, ce qui est problématique lorsqu’il s’agit de retranscrire une certaine folie visuelle où le scénariste se joue des formes, des dimensions et du Temps depuis la première page de la série. Disons qu’en tant que tel le travail graphique est tout à fait intéressant mais niveau cohérence on a une petite faute de gout de la part de son employeur qui avait pourtant des dizaines de graphistes plus adaptés à sa disposition. Volume qui aurait du être titré « première partie », ce nouveau Magic Order reste donc un plaisir de lecture qui ne se refuse pas sous la plume décidément unique de Mark Millar. Pour peu que vous soyez gourmand graphiquement et passiez sur la rupture de style, on plonge donc très volontiers dans les manipulations de ces terribles magiciens avec une grande envie et un soupçon de crainte sur ce que Millar va nous réserver pour la suite et la conclusion de la saga prévue au tome cinq. En attendant, une très grosse fin d’année côté Millarworld avec toujours des monstres aux crayons et de quoi alimenter encore et toujours les critiques agacées des fans devant les publications Millar. Lire sur le blog: https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/09/14/the-magic-order-3/BDGest 2014 - Tous droits réservés