G
ipi confesse volontiers qu’il a toujours écrit des histoires pour comprendre ce que dans sa vie il n’arrivait pas à saisir. Aussi y mettait-il beaucoup de lui-même, même s'il préférait à l’auto-analyse, en habitué de l'école buissonnière, emprunter les chemins de traverse. Il se risque ici sur un terrain bien plus accidenté, faisant de son itinéraire le sujet de son dernier livre, comme s'il fallait donner sens au passé pour faire surgir la vérité. La route est sinueuse, la narration impressionniste et pleine d’ornières. En s’exposant de la sorte, Gipi se livre sans fard et s’abandonne tout entier. L’homme convoque ses souvenirs, improvise, se déverse comme s'il voulait se laver de son enfance. Les digressions abondent, le dessin jaillit et, dans ce mouvement, il y a une forme d’écriture automatique que seul guide l'afflux des émotions. Gipi lâche prise, son crayon aussi. Si la vie est mal dessinée, c’est que l’auteur a poussé de guingois. Il y a pourtant de la pudeur dans cette mise à nu, une forme de retenue, ainsi que beaucoup de drôlerie et de grâce. A moins qu’il ne s’agisse en vérité d’un obstacle plus difficile à surmonter. Écorner son image, affronter son reflet demande tant d’abnégation qu’il est parfois préférable d’user de la métaphore pour évoquer certaines fêlures. L’exercice - la tentative d’exorcisme - a ses limites et les vieux démons sont coriaces. L’histoire des pirates entre en jeu et la tentation narcissique l’emporte. Incapable peut-être de se pardonner, d'excuser sa lâcheté, Gipi renonce un instant. La thérapie échoue devant l’incapacité de l’auteur à parler de l’amour comme à le vivre.
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