A
h ! Avoir quinze ans, aller au bahut, rêver tout haut d’une future carrière improbable, papoter avec les copines… Et, pour Juliette, passer du temps aux toilettes. Beaucoup. Trop. Pour cause, ses tripes ne la lâchent pas. Capricieuses, elles lui font subir un calvaire fécal. Bientôt, l’adolescente apprend que ses maux ont un nom : la maladie de Crohn. Et là voilà prise dans le cycle des essais pour la traiter. La guérison ? Il faut l’oublier et vivre avec ce mal qui déchire les entrailles. Surtout que, douze ans après, Juliette passe sous le bistouri pour une iléostomie. À son réveil, elle porte une poche… à caca. Glamour, non ? Entre résignation et acceptation, elle apprend à apprivoiser ce nouvel élément.
Sous le pseudonyme de stomiebusy, Juliette Mercier a d’abord narré ses tribulations de jeune femme malade chronique et stomisée sur Instagram, dans l’objectif affiché de dédramatiser les répercussions de cette affection cœliaque sur son quotidien et celui de ses proches. Les éditions Leduc ont publié à la fin du mois d’août 2021, dans leur collection Graphic, un album reprenant les mini-bande-dessinées qui étaient parues sur le réseau social.
Sous-titré Histoire d’une rescapée à l’intestin malade, Ma Crohn de vie raconte donc le trajet de son autrice face à cette maladie qu’elle a découverte à l’adolescence et avec laquelle elle cohabite depuis. Débutant par une séquence la montrant en tunique d’opérée, l’artiste entreprend ensuite une remontée dans le passé pour expliquer comment elle en est arrivée à ce point. Désagréments causés par ses entrailles en permanence, passages chez les médecins, annonce du diagnostic, mise en place de traitements qui peinent à faire effet, obligation de mener son existence malgré tout, flottement d’une émotion à l’autre, difficulté à conjuguer maladie et travail, commentaires peu amènes des autres qui ne voient pas la douleur invisible, complication des relations affectives : rien n’est oublié. La dose d’humour qui accompagne ce propos dense et édifiant permet de ne pas s’appesantir inutilement. Le lecteur découvre, apprend, se sent concerné, touché, cependant l’autrice ne cherche pas à lui tirer des larmes et montre qu’elle a surmonté les choses, avec courage et résilience.
Le dessin se révèle à l’avenant. Doté d’un trait simple, il saisit sur le vif les expressions et sentiments. Il n’enjolive ni n’enlaidit, mais va à l’essentiel et se nourrit de cet esprit décalé qui habite Juliette Mercier, retranscrivant bien le recul qu’elle a, aujourd’hui sur « son Crohn ». Par ailleurs, chacun des onze chapitres s’ouvrent sur une page dans laquelle la bédéiste introduit et apporte quelques précisions sur le contenu qui suivra.
Témoignage haut en couleurs et foncièrement optimiste sur une maladie chronique encore assez méconnue du grand public, Ma Crohn de vie est une histoire de selles, qui ne manque pas de sel, à découvrir.