Le 12/04/2025 à 08:18:20
Cette BD pose une très bonne question à savoir guérir de la Shoah surtout pour les 3ème et 4ème génération qui portent ce lourd fardeau. L'état d'Israël justifie souvent des exactions ennemies par ce crime de « génocide suprême » comme si cela pouvait justifier toutes les actions de rétorsions non proportionnées. « Œil pour œil et dent pour dent » comme dit le proverbe pour signifier qu'une personne coupable doit recevoir une punition à la hauteur de ce qu'elle a infligé. Le résultat ? Eradication totale de Gaza si on massacre à des milliers de victimes israélienne sans défense. Bref, le cycle infernal de la violence que l'on connaît trop bien et qui s'exporte malheureusement au-delà de ses frontières comme une gangrène de la haine. Cela en devient insupportable... Oui, ce roman graphique essaye pour la première fois une démarche de se défaire du statut de victime. Certes, il reste toujours l'indispensable devoir de mémoire mais qui ne justifie pas tout. Le « plus jamais ça » s'est-il mué en volonté farouche de détruire totalement l'ennemi avant qu'il ne recommence à éradiquer ? On peut se poser la question. Pour rappel historique, au lendemain de la Shoah qui a fait 6 millions de victimes, la plupart des survivants ne voient plus d’avenir pour les Juifs en Europe. Ils souhaitent une patrie où ils ne seraient plus une minorité vulnérable à la merci d'un Etat car ils ont subi depuis toujours des persécutions antisémites. Leurs espoirs se réalisent enfin le 14 mai 1948 avec la création de l’État d’Israël, une terre avec laquelle ils ont des liens historiques et religieux. Cela s'est fait au détriment des habitants déjà en place depuis un millénaire à savoir les Palestiniens. Voilà pour les faits bruts de décoffrage sans vouloir prendre parti pour les uns ou les autres. J'ai trouvé le procédé de cette BD assez originale pour se démarquer de tout ce que j'avais pu lire sur ce sujet. Dernièrement, j'ai posté « La rafle d'Izieu » mais en comparaison, je sens bien une nette différence dans le fait qu'il ne s'agit pas de se contenter d'être didactique et de rappeler les faits. En effet, dans la présente œuvre, on vit au milieu d'une famille juive qui semble avoir perdu le souvenir de faits très graves. C'est d'abord l'aspect psychologique et intimiste qui est mis en valeur. Par la suite, on voguera au fil des témoignages recueillis et qui sont autant de souffrances vécues durant la Seconde Guerre Mondiale. Je suis au milieu d'une jeune génération qui ne veut que du positif dans la vie et surtout tourner la page sur le passé surtout s'il a été néfaste. C'est une manière de faire table rase afin d'avancer vers un futur plus radieux. Se remémorer et tourner en boucle sur des faits négatifs nous feraient devenir « négatifs ». La preuve à grande échelle serait l'éradication d'une population entière de civils vivant à Gaza. Certaines voix s'élèvent d'ailleurs pour dénoncer un véritable génocide. L'histoire jugera à son tour. Cependant, il y a une réfutation du terme « peuple génocidaire » qui serait une accusation gratuite basée sur des relents antisémitisme et sur des équations efficaces du genre nazisme = sionisme. Cela serait juste une rhétorique malsaine qui est perçue comme une régression inquiétante. Voilà pour la thèse défendue dans cet ouvrage qui nous demande de ne pas tout confondre. J'en prends acte. Pour en revenir à la BD, la thématique est l'enjeu de la mémoire sur les questions identitaires qui traversent les générations futures. Il s'agit de retrouver d'où l'on vient pour pouvoir exister par la suite. Or, c'est difficile dans un contexte d'éradication totale de ce peuple durant la Shoah. Le traumatisme est tel qu'il hante encore les générations futures qui veulent sortir de cette position de victime. J'aurais sans doute aimé que la fin nous délivre un message de paix « universel » mais ce n'est pas vraiment le cas car on reste concentré sur la véritable Shoah ce qui est bien le sujet de cette BD. Ne pas en parler aurait fait le jeu des nazis nous explique t'on comme argument de défense. Pour ma part, je suis quand même assez partagé au sortir de cette lecture qui demeure très instructive et qui pousse à la réflexion. Pour résumer un peu le fond de ma pensée en espérant offenser personne : « Oui, pour le plus jamais ça afin de protéger tous les peuples de la planète. Non pour la reproduction des erreurs du passé ! ».BDGest 2014 - Tous droits réservés