L
ucille, Arthur, à ces noms déjà connus viennent s’ajouter ceux de Renée, Eddie, Pierre et quelques autres. Des héros ? Non, simplement des êtres humains aux prises avec leurs réalités. Chaque personne est un mystère.
En quelques albums (Le grand autre, Le lac aux vélies), Ludovic Debeurme a su s’imposer comme un auteur à part, tant par un style personnel aux influences très nord-américaines - Daniel Clowes vient spontanément à l’esprit, mais Robert Crumb et Chester Brown sont également bien présents -, que par une sensibilité et un sens de l’humain des plus profonds. Suite ouverte au très remarqué Lucille, lauréat du prix René Goscinny, Renée s’inscrit parfaitement dans cette lignée.
Tout au long des 450 pages du volume, Debeurme s’escrime à montrer ses personnages d’une façon la plus neutre possible. De plus, il se garde bien de dévoiler tous les tenants et les aboutissants de ces trajectoires. Cette situation transforme le lecteur qui, de simple témoin, devient pratiquement un « acteur » de l’histoire, tant la plongée dans la psyché des protagonistes est intense. En s’affranchissant des éléments traditionnels de la BD (cases absentes, décors dépouillés), l’auteur, avec beaucoup de justesse, ne concentre sa narration que sur l’essentiel : l’âme.
Évidemment, de par sa structure et son propos, Renée n’est pas à ranger parmi les lectures faciles. À ce sujet, le premier quart de l’album est particulièrement ardu et pourrait décourager le lecteur. Ce petit effort en vaut, néanmoins, la peine. Une fois tous les éléments en place, l’album se révèle être un joyau d’émotion et de finesse psychologique.