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ne bande dessinée épistolaire. Le 21 février 2006, Marc Pichelin envoie un pli à Guillaume Guerse dans lequel il lui propose d’expérimenter un travail à partir d’une correspondance. Il écrirait des lettres que son plus fidèle partenaire dans le 9ème art illustrerait. Pas d’autres contraintes, l’esprit étant donné en conclusion de ce premier courrier : « je ne sais pas si cette expérience peut être intéressante pour le lecteur, je m’en fous ».
Avant d’être regroupés dans Long courrier, ces échanges avaient été publiés pour partie d’entre eux dans la revue Jade, collectif d’auteurs édité par la maison héraultaise « 6 pieds sous terre ». Ce livre contient en outre quelques inédits, avec notamment une interview, et surtout un retour sur le festival Rétine 2010, dernier baroud d’honneur sur ses terres d’origine de l'éditeur albigeois « Les requins marteaux » avant son déménagement en terre girondine. Dans ce dialogue à distance qu’entretiennent Marc Pichelin et Guillaume Guerse, il est question de cette aventure éditoriale dans laquelle ils se sont particulièrement investis ; qui les a passionnés autant qu'elle les a vidés.
Il est loin le temps de la gaudriole, portée haut par les albums dont l’action tournait essentiellement autour du bar « Jour de fête », et si ce n’était l’action, tout du moins l’esprit (viles beuveries, râteaux en série et lamentables vomis). Le texte et le dessin peuvent apparaître sans réelle corrélation de prime abord, ils ont pourtant en commun quelque chose de dépressif, mélancolique, désabusé, comme si les deux hommes se trouvaient dans une sorte de torpeur dont ils ne parvenaient pas à se défaire (Marc Pichelin dans ses interrogations, Guillaume Guerse dans son errance contemplative). Pour autant, il y a toujours à trouver dans les lignes quelques bribes qui laissent entendre que la flamme, alors qu’elle vacille en proie au doute, n’en reste pas moins allumée. Ce rapport diffus et complexe qu’ils entretiennent avec la bande dessinée, ils l’évoquent, sans doute avec justesse, par ces mots : « L’enjeu artistique est minime bien, qu’essentiel pour nous… C’est peut-être par là qu’il y a de la plénitude à trouver ».
Rien n'est clairement écrit, l'exercice relève davantage de la suggestion, au lecteur de livrer son interprétation en fonction de sa perception, de sa connaissance de ce dont il est question. En cela, Long courrier parlera essentiellement à ceux qui suivent le duo Guerse et Pichelin dans les pages de la revue Jade, et ceux qui s’intéressent au travail, à l’histoire, des maisons d’édition « 6 pieds sous terre » et « Les requins marteaux ». Sans doute les mêmes personnes.