Le 27/08/2022 à 21:00:41
Il y a 50 ans, René Goscinny écrivait en préface : "Pour nous, professionnels, Druillet a fait exploser le récit illustré et l'a fait sortir du cadre étroit de ses petites cases. Les échos de cette explosion ne sont pas près de s'éteindre." 50 ans plus tard, cela s'est-il avéré? Parfois, je me le demande. Difficile de croire que je suis le premier sur ce site à écrire un avis sur cette BD. Bien sûr, si Internet avait existé en 1972, il y aurait sûrement eu d'innombrables critiques publiées en ligne. Mais quand même. Une BD qui a marqué une génération ne devrait-elle pas faire retentir son écho dans les annales du temps? Encore aujourd'hui, la BD existe principalement dans le cadre étroit de ses petites cases. Les dessinateurs qui dessinent à la manière Druillet demeurent relativement peu nombreux. Que s'est-il passé? Druillet ne lançait-il pas une révolution? Quoi qu'il en soit, cet album qui a mis Lone Sloane sur la carte est l’un des meilleurs de la série. Pourquoi? Parce que malgré le dessin qui pète de partout, on n’est pas encore tombé dans le art-book avec une histoire en arrière-plan. On suit bel et bien les aventures d'un personnage, sublimées par le dessin. D’accord, ce n’est pas le scénario le plus abouti du monde, mais au moins on a quelque chose à se mettre sous la dent. Six mini-histoires sont présentées, d'où les six voyages, mais six voyages qui forment un grand tout. Sloane se retrouve toujours dans des situations plus incroyables les unes que les autres. Après avoir échappé à un démon qui lui a vraisemblablement fait perdre une partie de son humanité, il se retrouve confronté à des robots géants, des tueurs sanguinaires, il vole sur des dragons, se promène dans les confins de l'espace, communique avec des superordinateurs à travers les dimensions, et rencontre des dieux toujours plus maléfiques. Science-fiction, fantastique, un mélange d'un peu tout ça. Le dessin est tellement puissant qu’il vient combler les lacunes du scénario. Mais c'est aussi probablement pourquoi ce style n'a pas perduré dans le temps. Outre le fait indéniable que tous les dessinateurs n'ont pas le talent de Druillet, si la BD ne propose pas de scénario intéressant, son art mourra seul, aussi évocateur soit-il. Bref, ce "premier" Lone Sloane (le deuxième, mais qui fait pratiquement office de premier) est emblématique de l’œuvre de Druillet. Avec sa suite, Delirius, ils représentent le sommet du superamas créé par leur auteur, à une époque où tout était permis. C'est d'ailleurs probablement la porte d'entrée la plus facile à emprunter pour visiter l’œuvre d'un titan. Entrez! Vous risquez d'être surpris...BDGest 2014 - Tous droits réservés