A
vril 1973, personne ne le sait encore, mais les spéculations de financiers suisses vont donner naissance à l’un des mouvements sociaux les plus emblématiques de ces cinquante dernières années. LIP des héros ordinaires en retrace la chronique.
Le cas de la manufacture horlogère bisontine est complexe et ne peut se résumer en quelques lignes, encore moins en une poignée de mots. Beaucoup a été dit, écrit et filmé sur le sujet et il suffit de surfer sur le site de l’INA pour prendre la mesure de cette déflagration sociétale qui ébranla la France pompidolienne et qui sert toujours aujourd’hui de référence.
Plutôt que l’exégèse du conflit, Laurent Galandon a choisi le parti pris du documentaire-fiction. Documentaire car il s’attache à retranscrire méticuleusement la conviction et l’attachement dont firent preuve ces hommes et femmes pour la préservation de leur emploi ; fiction car il le fait au travers du destin de Solange, l’une des innombrables ouvrières de l’usine. Mais il n’est pas uniquement question de lutte des classes puisque ce one-shot évoque également l’émancipation féminine ou l’éveil à une conscience politique ; autant de choses qui n’allaient pas de soi, même cinq ans après mai 68. Pour mettre en image un tel récit et retranscrire l’atmosphère de l’époque, Damien Vidal adopte un trait simple et une mise en noir et blanc des plus sobres qui rendent parfaitement crédible l’histoire de Solange.
Malgré une certaine distanciation du propos, cet album est forcément partisan puisqu’il en donne une vision de l’intérieur. Toutefois, LIP des héros ordinaires réussit le tour de force de parler de grève et de combat syndical sans lasser et tomber dans les lieux communs. Il permet ainsi aux plus âgés de dépoussiérer leurs classiques sociaux et à ceux, nés après le premier choc pétrolier, de s’adonner à un peu d’archéologie sociale ! Instructif et prenant.
Les avis
Erik67
Le 19/11/2020 à 13:20:43
Je n'avais jamais entendu parler de ce conflit social bien avant Florange d'où une certaine utilité pour rafraîchir la mémoire collective. On se rend compte que la classe ouvrière a beaucoup souffert de la transformation du tissu économique de notre pays. Nous sommes passés par une désindustrialisation au profit des services du tertiaire. Cependant, comme le dit Jean-Luc Mélanchon dans sa préface, la logique reste la même et cette disparition de classe ouvrière ne serait qu'une illusion dans un monde où le marché des actionnaires domine la planète. La lutte des classes continue selon certains.
J'ai toujours eu le plus grand respect pour des gens qui se battent pour conserver leur droit à l'emploi et avoir ainsi une vie décente. Il est clair que dans le cas présent, le démantèlement de l'entreprise ne s'imposait pas comme le soulignera d'ailleurs Claude Neuschwander (PDG de LIP) dans la postface. Le point de vue sera celui d'une femme ordinaire qui va s'émanciper.
Cette bd semble clairement destinée à un public de gens votant à gauche car les valeurs représentées ne sont pas celles de la droite sauf erreur de ma part. Le gouvernement de Pompidou sera d'ailleurs fortement critiqué. Bref, c'est clairement orienté avec un seul son de cloche. C'est un choix des auteurs certes respectable.
Une chose est certaine. Je ne verrai plus jamais les montres LIP de la même façon. Bon, personnellement, je m'accroche à Festina depuis des années. C'est une affaire de goût.
Hublot
Le 05/03/2017 à 17:17:12
Vraiment à lire absolument...Dessin parfait pour une histoire que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître...
molim
Le 01/01/2017 à 15:09:14
Cet ouvrage vient bien en complément d'un autre, plus rare, "les hors la loi de Palente". Le dessin est agréable, l'histoire bien construite.
Cette épopée des Lip est incroyable et tellement prémonitoire des cases industrielles qui ont suivies et qui vont continuer car rien n'arrête l’appétit des puissants et de l'argent.
Hugui
Le 06/03/2015 à 20:29:43
En plus raccourci, ce reportage aurait pu faire un excellent article de la revue dessinnée, car l'histoire des LIP est fidèlement racontée et le dessin est agréablement narratif. En plus de la lutte syndicale, la condition de la femme de l'époque est bien exprimée. Mais la partie romanesque est sacrifiée et c'est un peu dommage car les personnages sont intéressants.
Un peu trop didactique donc mais à lire.