Info édition : Noté "Première édition". Un texte de 6 pages en fin d'album.
Résumé: Dans les souterrains du British Museum, le célèbre chasseur de fantômes Carnacki est assailli par les visions d'une secte occulte invoquant l'Enfant Lunaire et la fin du monde. Sous les ordres des services secrets de Mycroft Holmes, l'aventurier Allan Quartermain, le voleur repenti Anthony Raffles et la mystérieuse Miss Murray, membres de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires, mènent l'enquête...
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910. Londres tremble sous la menace de l’éventreur. Carnacki aussi a peur, mais pour d’autres raisons. Ses nuits sont agitées et ses rêves le conduisent invariablement parmi les membres d’une secte occulte qui évoquent la mystérieuse naissance de l’enfant Lune, puis vers une femme nageant nue dans l’océan. Elle semble ensuite s’entretenir et se disputer avec un vieillard - serait-ce là le Capitaine Némo ?! Le réveil est toujours brutal, et la sensation que le monde est en danger, persistante. Mais le détective chasseur de fantômes a rejoint Mina Murray et ses Gentlemen Extraordinaires. Leur mission : enquêter sur ces prémonitions, et sauver le monde bien sûr !
Century 1910 fait suite aux deux premières aventures de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires dans lesquelles l’équipe de choc avait été confrontée, d'abord au maléfique chinois Fu Manchu en mai 1898, puis aux martiens en juillet de la même année (rien que ça !). De vrais méchants qui avaient pour objectif commun de rayer l’Angleterre de la carte et par ricochet d’anéantir l’humanité, car que serait le monde sans « Albion, cette petite île qui a envoyé bouler le français suffisant, l’espagnol dévergondé et le Boche tonitruant » ! L’ironie et la provocation sont évidemment des composants essentiels de La Ligue, et participent à cette atmosphère particulièrement décalée et à l’humour « so British ».
Serait-ce les dix ans qui séparent ce nouveau tome du chapitre précédent ? Toujours est-il que, malgré une relecture bienvenue des premiers opus, la mise en place de ce récit parait quelque peu poussive et confuse pour le non-initié. En effet, comme pour les aventures précédentes, les auteurs ont choisi leurs protagonistes parmi des héros célèbres de la littérature populaire fantastique du 19e et du début du 20e siècle. Les Capitaine Némo, Docteur Jekyll et Mister Hide et Hawley Griffin, l’homme invisible, auraient dû logiquement laisser leurs places à des contemporains du même calibre. Malheureusement les renommées du détective Carnacki, du voleur Arthur J. Raffles et d'Allan Quatermain Junior se situent un cran en-dessous. Cette impression s’estompe cependant une fois les différents personnages identifiés.
Le subversif et prolifique scénariste Alan Moore (From Hell, V pour Vendetta, Watchmen, ou encore Filles Perdues...) propose une nouvelle fois une œuvre riche et extravagante, mais également dérangeante, violente et provocatrice. Ses protagonistes ne sont plus anarchistes - quoique - violeurs ou opiomanes, mais cette fois-ci hermaphrodites, voleurs ou médiums sans envergure. Leurs ambigüités, leurs faiblesses font craindre le moindre dérapage ou trahison, et il en faut peu pour que la réussite de la mission ne bascule vers l’échec total, et qu’un des membres de ces services « très » secrets ne rejoignent involontairement (ou non) les ennemis de la Couronne, la barrière entre le Bien et le Mal, le droit chemin ou l’immoral étant relativement floue chez Moore.
Le trait sec de Kevin O'Neill (Marshal Law) permet de représenter des visages très expressifs, presque théâtraux, notamment lorsqu’il s’agit d’exprimer des sentiments tels que la haine, la suspicion, l’envie ou la peur. Son dessin, de qualité égale d'un tome à l'autre malgré les années d'interruption, est riche de détails, parfois scabreux, où les scènes de débauches et fornications sont nombreuses.
Les extraordinaires gentlemen sont de retour. Le lecteur devra donc s’attendre à son quota de scènes de viol, meurtre et délit de proxénétisme. Pour ceux que les comédies musicales ne rebutent pas (éh oui, il faudra aussi en passer par là), un « bonus » en fin d’album pourrait bien finir de dérouter par son caractère obscur et éthéré. Mais telle est l’œuvre de Moore, parsemée de croc-en-jambes, d’images perturbantes et de héros au comportement trouble, rarement héroïque...