Info édition : Noté "Première édition" et "Dépôt légal deuxième trimestre 2022", saisi ici à parution. C'est le septième Lapinot édité à L'Association, mais pour la numérotation c'est le sixième.
Résumé: Quand Lapinot se réveille en pleine forêt, il n’en croit ni ses yeux ni ses oreilles… un gros bonhomme, vêtu de braies bleues et blanches et affublé d’un casque l’apostrophe : « Astérix ! ». Lapinot, incrédule, laisse ce curieux personnage en plan et poursuit son chemin. Une malencontreuse rencontre avec une patrouille romaine puis les soins donnés par Panoramix – qui évidemment, lui fait boire de la potion magique – achèvent de le convaincre : il semble bien qu’il ait été téléporté chez les irréductibles Gaulois. Et bizarrement, même Toutatis est de la partie !
L
apinot est, sans explication, transporté dans le monde d’Astérix. Les villageois n’y voient que du feu ; personne ne remarque ses longues oreilles et ses pieds démesurés. Seul Obélix le trouve étrange avec certaines de ses expressions (OK, point barre) et réflexions (Gérard deux par deux, le parc Astérix). Richard s’est quant à lui incarné en Assurancetourix, tandis qu’un mystérieux visiteur, se proclamant Toutatis, manœuvre pour mettre la main sur le secret de la potion magique.
Comme c’est souvent le cas, les aventures gauloises nées dans le journal Pilote portent un regard sur un passé imaginaire pour mieux parler de l’époque actuelle (capitalisme dans Obélix et compagnie, sectes dans Le devin, urbanisme dans Le Domaine des dieux, etc.). Dans Par Toutatis!, le moteur du récit se révèle politique et environnemental ; l’album discute d’écoterrorisme, de totalitarisme et d’impérialisme culturel.
Lewis Trondheim s’est d’abord approprié le cahier des charges de la célébrissime bande dessinée. Les incontournables répondent tous présents : bagarres contre les Romains, sangliers, sabordage du navire des pirates, poisson (étrangement frais), potion (au goût immonde), calembours, banquet, etc.
La trame se veut toutefois plus réaliste que celles de René Goscinny, Albert Uderzo et Jean-Yves Ferri. Après avoir accueilli le bibliophile dans un univers qu’il connaît bien, le scénariste s’amuse à déconstruire le mythe. Par exemple, si le porteur de menhirs tape sur un légionnaire, le militaire meurt et il y a du sang. Par ailleurs, l’auteur part du principe qu’une arme aussi puissante que le breuvage du druide risque d’être utilisée à mauvais escient, même si, à la base, les intentions semblent nobles.
Le conteur transforme en outre certains personnages, particulièrement Obélix. Utilisé à contre-emploi, il donne la réplique au lagomorphe ; lucide et curieux, il enrichit le narratif. Panoramix apparaît pour sa part étonnamment naïf et Idéfix se fait discret.
Enfin, Lapinot réalise le fantasme de plusieurs lecteurs en ayant la chance d’entrer dans l’intrigue et d’en infléchir le cours. Il est guidé par sa connaissance approfondie d’une quarantaine d’albums (ce qui en fait une sorte de dieu omniscient) et de ce que deviendra la société dans vingt-et-un siècles. Cette stratégie est similaire à celle du voyage dans le temps et de tous les paradoxes qu’il peut engendrer.
Le trait se montre schématique, mais l’artiste, toujours efficace, va à l’essentiel ; les protagonistes jouent juste et sont bien caractérisés, et les lieux sont aisément reconnaissables. La structure des planches en quatre bandes rappelle quant à elle celle développée par le tandem original. Les couleurs très crues de Brigitte Findakly sont également respectueuses de celles de la série parodiée.
C’est avec maestria que Lewis Trondheim amalgame son monde à celui de René Goscinny et Albert Uderzo. Son ton n’est d’ailleurs pas si éloigné de celui du duo qui, dans une même histoire, abordait différents sujets pour offrir plusieurs niveaux de lecture aux bédéphiles, grands et petits.
Un récit intelligent, où l’écrivain questionne le vrai et le faux, la réalité et la fiction, le possible et l’improbable.
Les avis
Vidéodix
Le 27/11/2023 à 08:29:42
J'appréciais le travail de Trondheim avant cette BD, ce n'est plus le cas après l'avoir lu ! Et pourtant, je l'ai lu deux fois tellement je n'y croyais pas... C'est une vraie bouse et je pèse mes mots... Est-ce qu'il a voulu tendre un guet-apens aux amateurs d'Astérix, ou juste faire du Breizh-bashing sur 48 pages ? Est-ce qu'il a tout simplement fait un gros raté, peinant à finir sa BD ? En tout cas, je me suis senti insulté par son bouquin. Graphiquement, c'est le style de Trondheim, mais en petite forme. Un gamin de 3 ans l'aurait dessiné de manière plus expressive. Pour le découpage, on voit mieux dans les concours jeunes talents des moins de 11 ans.. C'est un fait. Seules les couleurs sont un peu réussies. Et pour l'histoire, vous avez compris ce que j'en pense... Bourrée d'amalgames et de tentatives moralisantes ou conceptuelles maladroites. Pour un (ancien) bobo parisien cela peut être rigôlo de se moquer des prôvinciaux avec ses amis, mais pas pour moi.
frankygoz
Le 21/09/2022 à 17:35:06
Alors c'est un Asterix ou c'est pas un Asterix ? La question mérite d'être posée alors , je me la pose. A priori, c'est pas un Asterix mais pourtant, tous les marqueurs sont là: les légionnaires idiots, les baffes dans la gueule, les sangliers, le sympathique village avec les tous sympathiques gaulois avec leurs sympatix patronymes, les bagarres, les poissons, les bagarres autour des poissons, le chef sur son bouclier, puis en vrac dessous, puis de nouveaux dessus, les pirates, le festin...Et même plus, une histoire solide, des running gag, des jeux de mots,... Y a tout quoi! WTF ? Et bien, Trondheim a bien assimilé la recette magique de Goscinny et Uderzo mais a fait un petit pas de côté, et ce petit pas, qui est un grand bond scénaristique, fait tout le sel de cette bd très réussite. Il n'a pas trahi Asterix car ce n'est pas un Asterix. Sinon c'est Albert René Editions qui se serait chargé de nous le proposer, c'est pas une preuve ça? En résumé, c'est pas un Asterix, pas une parodie, pas un pastiche, peut-être un hommage... C'est avant tout un Lapinot, et un bon Lapinot. Cet opus trouve même sa place dans les covers réussies de ces dernières années, le Lucky Luke de Bouzard, celui de Bonhomme, le Mickey de Loisel, le Spirou de Bravo...
Yovo
Le 02/08/2022 à 11:28:04
J’ai lu et plutôt apprécié la plupart des Lapinot mais je trouve ça juste sympa, sans plus (sauf 'Vacances de printemps' que j’adore).
Tout ça pour dire que « Par Toutatis ! » est le premier Lapinot que j’achète, alléché par la parodie d’Astérix. Sans aucun regret, c’est un bon album.
Et c’est beaucoup plus qu’une parodie, en fait. On pourrait même en faire une longue analyse tant il y aurait à dire sur les parallèles réalité/fiction, construction/déconstruction du mythe et la mise en abîme de la BD dans la BD.
Si l’on y rajoute les anachronismes et des scènes bien connues recuisinées à la sauce Trondheim, on obtient un album original, drôle, malin, qui ne se contente pas de s’appuyer sur Astérix pour exister, mais au contraire rajoute une nouvelle pierre à l'édifice qu'ont bâti Goscinny et Uderzo. C’est ce dernier aspect qui vaut mes 4 étoiles, car pour le reste, je ne suis pas plus emballé que d’habitude par le dessin, fidèle à lui-même.
En conclusion un album à découvrir sans hésitation mais à ne pas mettre entre toutes les mains, la violence (parfaitement justifiée) de certains passages étant volontairement gore.
minot
Le 20/06/2022 à 19:45:07
LAPINOT se retrouve transposé dans l'univers d'ASTERIX, et même dans le corps de celui-ci ! Comment expliquer ce phénomène étrange ? Et comment dès lors revenir dans le monde réel ?
Un épisode gé-nial ! Trondheim réussit le tour de force de créer un album qui soit à la fois un vrai LAPINOT et un vrai ASTERIX (enfin, presque ;-) ). En tous cas le pastiche est réussi et c'est vraiment très drôle. C'est bien déjanté comme il faut, tout en respectant les codes d'un album d'ASTERIX (les patrouilles romaines, les pirates, les chants horribles d'Assurancetourix, le banquet final ... tout y est !).
Bel hommage à Uderzo & Goscinny, d'ailleurs cités dans l'album.