Résumé: Munich, 1975 : discothèques, amours libres, excès de cocaïne et de champagne... Voilà le monde et la vie de Rufus Himmelstoss. Ce coureur de jupons égocentrique vit constamment au-dessus de ses moyens. Cela ne serait grave que pour lui s'il n'avait pas une femme, et un fils, Victor. L'alcool le détruit irrésistiblement, Rufus Himmelstoss glisse hors de la vie jusqu'à devenir sans-abri. Trente ans plus tard, le fils de Rufus, Victor, rencontre à nouveau son père perdu et se résout à découvrir un étranger.
I
mpatient, grognon et absent, Victor sait bien qu’il pourrait faire mieux pour son gamin et sa femme. Il faut dire qu’il n’a pas bénéficié d’un très bon exemple. Son géniteur, Rufus, était alcoolique, joueur et volage ; bref, il avait tous les défauts. Le garçon n’était âgé que de six ans quand sa mère a congédié le poivrot. Le héros ne le retrouvera qu’à son décès. Entreprenant de comprendre sa vie, il exhume celle d’un clochard. Dans un jeu de miroir alternant entre 1975 et 2005, l’un se reconnaît dans l’autre.
Le récit sans concessions aux accents biographiques d’Uli Oetterle dévoile deux êtres meurtris. Il présente un fils à la dérive se désolant de ne pas avoir eu de modèle paternel adéquat, tout en constatant qu’il reproduit assez fidèlement la dynamique familiale. Privilégiant un ensemble de scènes généralement courtes et toujours significatives, le scénariste impose un rythme syncopé et évite ainsi de tomber dans un excès de pathos. Au final, le personnage principal pose un regard presque clinique sur le parcours de son père, mais surtout, sur le sien.
L’histoire se veut également celle d’une époque où les esprits et les corps se libèrent ; pour le meilleur, et parfois, pour le pire.
Le dessin évoque un peu celui de Zanzim ou encore de Kerascoët, à cette différence qu’il est en bichromie. Le noir est accompagné de sépia pour illustrer les années 1970 et de mauve trois décennies plus tard. Le trait, simple et efficace, fait place à de larges aplats et se révèle des plus agréables. Les décors, discrets, voire inexistants, s’en tiennent à l’essentiel. Il suffit souvent de peu de choses pour caractériser une période, par exemple un papier peint affichant de grands cercles ou l’esquisse d’une voiture.
Un propos cru, dur et troublant. L’artiste aura-t-il une épiphanie après cette rencontre posthume ? Le lecteur le découvrira dans le deuxième tome de cette série annoncée en quatre.