L
e 4 octobre 1957, les Russes mettent en orbite Spoutnik 1, le premier satellite artificiel de l’histoire. Les autorités soviétiques, Khrouchtchev en tête, exige alors des ingénieurs de faire encore mieux : lancer une deuxième fusée, mais cette fois avec un être vivant à bord. L’aventure de Laïka vient de commencer.
Durant les années 50, la course vers l’espace était le terrain d’affrontement par excellence entre Soviétiques et Américains. À mi-chemin entre récit historique et BD indépendante, Laïka est un album assez difficile à classer. En partant de faits réels, Nick Abadzis a imaginé un récit presque intimiste qui, au-delà de la politique et la propagande, raconte la vie et les espoirs des différents acteurs de ces premières aventures spatiales. Korolev, ingénieur en chef condamné au goulag sous Staline puis gracié, voit dans les étoiles la condition pour sa liberté. Yelena, la garde chien, et Gazenko, le vétérinaire, qui écrasés par la paranoïa entretenue par le Parti, n’arrivent pas à se trouver. Et Laïka dans tout ça ? Elle sert de fil conducteur, de sa naissance à sa fin tragique, elle est le témoin de la réalité soviétique, des ruelles moscovites au firmament.
Le trait de ce jeune auteur anglais touche-à-tout (BD, dessin de presse, livres pour enfants, illustrations) peut paraître un peu frustre au premier abord, mais se révèle rapidement très efficace et parfaitement maîtrisé. Les personnages sont très bien rendus, au diapason de leur vécu, il s’agit de « vraies » personnes, pas de gravures de mode. Le travail d’Abadzis démontre bien qu’utiliser un style photographique n’est pas indispensable pour dessiner de façon réaliste. La mise en page est également remarquable, il utilise une multitude de point-de-vues, n’hésitant pas à choisir des angles audacieux pour ce style de récit. Le petit format ne rend peut-être pas assez honneur à ses efforts de mise en page.
Laïka, dans son style, est une réussite. Nick Abadzis arrive à tenir en haleine le lecteur tout au long des deux cent pages de cet album.
Sur le même sujet, à consulter :
le site internet de Nick Abadzis
Les avis
Erik67
Le 31/08/2020 à 22:37:46
J'ai littéralement adoré ce récit qui raconte l'histoire du premier être vivant à avoir été en orbite dans l'espace. Laïka était une chienne pesant à peine 6 kilos. Grâce à elle, ce fut une victoire pour l'homme qui savait qu'il pouvait désormais aller également dans l'espace. Elle est devenue le chien le plus célèbre au monde.
Ce sont également toutes les premières années de la conquête de l'espace que nous revivons avec cet exploit soviétique. Les Américains peinaient encore à cette époque là avant de se rattraper bien des années plus tard dans la conquête de la Lune. Laïka est malheureusement devenue le symbole de la propagande communiste. Elle a été également sacrifiée pour faire plaisir au Premier Secrétaire Nikita Khrouchtchev qui avait imposé des délais de mise en orbite trop court pour le faire coïncider avec la date d'anniversaire de la Révolution d'octobre (le 40ème si je ne m'abuse).
Il y a près de 200 pages d'où une lecture assez intensive. L'auteur retrace le destin extraordinaire et tragique de cet animal errant dans les rues de Moscou qui avait derrière lui un passé bien tumultueux. A vrai dire, on ne savait rien en Occident de cette chienne mis à part son exploit. Grâce à ce récit, on pourra connaître tous les détails insoupçonnés. C'est vraiment formidable. L'auteur a fait de véritables recherches d'archives. Le travail qui s'ensuit est de toute première qualité.
Dans son récit, il a privilégié la dimension humaine en racontant également l'histoire des personnages qui ont croisé le chemin de cette gentille chienne. Ainsi, on fait connaissance avec Korolev, l'ingénieur en chef du programme, qui avait échappé 18 ans plus tôt aux purges de Staline en passant par le goulag. On suivra également Yelena, la technicienne du laboratoire en charge de la santé de Laïka et qui a tout fait pour la sauver d'une mort inexorable.
Le graphisme pourra étonner au départ le lecteur. Il y a par ailleurs des cases très petites. Est-ce que ce sentiment de claustrophobie était voulu par l'auteur ? Il ne manque pas d'audace et ne tombe jamais dans le jeu de juger un système politique plutôt qu'un autre. Un vrai travail de professionnel objectif ! On ne peut qu'applaudir !
En tout cas, cette aventure un peu triste m'a bien plu d'autant qu'elle fait partie maintenant de l'Histoire. Cette pauvre chienne méritait cet hommage.