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ome, IIIème siècle. Alors qu’il se trouve dans une situation désespérée aux côtés de sa légion, le jeune tribun Labiénus est initié au culte de Mithra, Dieu perse du soleil, de la terre et de la mort. Cette révélation le transforme et définit sa quête : l’immortalité. Quel que soit le prix à payer.
Labiénus est une œuvre courageuse et originale parce qu’elle choisit d’aller au bout de ses parti pris, à la fois pour le thème choisi et pour son traitement. La couverture, à dominante pourpre, intrigue et donne le ton à la fois grave, puissant et obscur. Un parcours rapide ou une lecture attentive ne feront que confirmer cet aperçu. Dans Labiénus, tout repose sur une quadrichromie singulière : bleu sorti des ténèbres, marron terreux, pourpre envahissant et vert oxydé. Tout est filtré par ce prisme qui magnifie un trait large et brut. Celui-ci sculpte des visages et des décors tout droits sortis des forges de Vulcain. Christian Léger veut imposer son style, c’est une évidence. Alors que les cases les plus dépouillées paraissent plus statiques et anodines (fragiles ?), c’est dans les plus denses (chargé ici ne rime pas avec lourd) que la puissance et les expressions s’expriment le mieux. Son choix de travailler sur des planches de très grandes tailles pour certains plans explique peut-être cette lisibilité paradoxale.
Le scénario est d’une implacable, et un rien lassante il faut l’avouer, linéarité. Le personnage s’enfonce inexorablement dans ses convictions à mesure qu’il se coupe des vivants en cherchant la vie éternelle. Il court le risque également de s’éloigner aussi de ses lecteurs, effrayés par cette descente inéxorable ponctuée de coups de folie et de violence.
Sans concessions apparentes, Labiénus est un album qui mérite notre attention et c’est avec curiosité qu’on attend le tome 2. Il sera alors temps de confirmer son potentiel de « Cœur de cœur » possible. Ou, à contrecoeur, de détourner le regard.