Info édition : Format 200 x 275 mm - Postface de Françoise Roy.
Résumé: Voyage au pays de la mémoire qui flanche
Elle s’appelle Françoise Roy. Son métier consiste à accompagner les personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer et leurs proches dans leur vie quotidienne. Étienne Davodeau trouve que c’est là un métier passionnant. Alors il a demandé à Françoise de lui raconter au plus près les heures et les journées qu’elle passe dans l’intimité de ces femmes et ces hommes pour qui la qualité de l’instant présent est essentielle. Il lui a dit : « Là où tu vas, chaque jour, tu seras mes yeux et mes oreilles ». L’idée est de raconter au plus près la singularité de ces existences au pays de la mémoire qui flanche tout en préservant l’intimité des personnes concernées. La bande dessinée peut faire ça.
Un détail qui n’en est pas un donne une intensité particulière à ce récit : Françoise et Étienne vivent ensemble depuis longtemps. Depuis toujours, elle est sa première lectrice. Il sait qu’il n’aurait pas pu faire un livre comme celui-ci avec quelqu’un d’autre. Ce livre sera aussi, d’une certaine manière, un épisode de leur vie de couple et donc aussi le plus intime de ses récits.
Comment côtoyer des gens qui ne vont pas forcément se souvenir de vous ? Que faire pour leur faciliter la vie au quotidien ?
Grâce à Françoise, Étienne Davodeau nous donne à voir le quotidien de ces personnes malades, de leurs proches et de celles et ceux qui les accompagnent pour éclairer ce sujet dont l’importance ne cesse de croitre avec le vieillissement de la population.
L
es pathologies neuro-dégénératives comme la maladie d’Alzheimer sont en augmentation, car la population vieillit. La prise en charge et le suivi de ces maladies coûtent cher aux agences de santé et les ressources sont rares. Ce constat inquiète chacun, à titre personnel, pour sa famille et pour la société dans son ensemble. Françoise Roy, infirmière de formation, accompagne les personnes souffrant de ces affections. En pratique, elle fait des visites à domicile et aide ses «clients» à affronter leur vie quotidienne. Au passage, elle offre un peu de répit aux proches aidants et sert de courroie de transmission indispensable entre le terrain et les institutions.
Françoise est aussi la compagne d’Étienne Davodeau et celui-ci avait émis le souhait depuis des années de pouvoir raconter son métier avec un album documentaire dont il a le secret. Très réticente au départ et ne souhaitant ne pas être placée dans la lumière, celle-ci a finalement cédé et a accepté que son amoureux la transforme en héroïne de bande dessinée. Le résultat de ses tractations, Là où tu vas peut s’approcher de deux manières : un livre autobiographique bicéphale et un essai sur les maladies neuro-dégénératives et leur traitement en général. Un peu comme dans Les ignorants, en plus grave, les bruits des bouchons et des verres en moins, cela va sans dire.
Alternant les chapitres où il suit Françoise lors de ses tournées ou en formation avec des scènes de discussion à la maison dans lesquelles cette dernière partage ses peurs, souligne des points de détail médicaux et précise méticuleusement ses propos, l’auteur Des mauvaises gens entraîne le lecteur au cœur d’un univers apeurant et certainement mal-connu de la majorité du public. Les pertes de mémoire, l’isolement qui s’installe, la fatigue, les cauchemars administratifs, les conséquences financières ou pratiques et, au final, le placement en EPHAD et la mort, les nombreux exemples couvrent un vaste éventail de réalités. Beaucoup d’émotions et de souffrance, mais heureusement une multitude de solutions et de conseils à suivre sont également présentés.
Dans Résidence autonomie, une problématique connexe, Éric Salch avait choisi l’humour grinçant pour faire «passer la pilule». Davodeau ne boxe évidemment pas dans cette catégorie. Il préfère laisser parler l’humanité et la générosité des différents acteurs : celles de ces maris et de ces femmes s’occupant de leur conjoint contre vent et marée et celles de ces intervenants, comme Françoise, qui se mettent inlassablement au service des malades afin de leur offrir la meilleure qualité de vie possible. Deux styles narratifs aux opposés, avec un objectif identique cependant : démystifier, expliquer et mettre en contexte des sujets difficiles qui nous touchent ou nous toucheront tous, directement ou indirectement.
Là où tu vas est publié aux éditions Futuropolis.
La preview
Les avis
Yovo
Le 30/10/2025 à 23:22:12
Étienne Davodeau revient avec « Là où tu vas » à la BD documentaire, un genre qui a taillé son succès. Cet album est la concrétisation d’un projet qu’il avait en tête depuis des années : aller à la rencontre de personnes touchées par la maladie d’Alzheimer, en suivant sa femme, Françoise, dans son quotidien d’infirmière accompagnante auprès de malades.
Une démarche intéressante qui compile des témoignages édifiants. Le lecteur en apprend un peu sur la maladie, mais beaucoup plus sur les différents moyens à utiliser pour maintenir l’autonomie des personnes touchées. Tout au long du livre, l’accent est mis davantage sur la prise en charge que sur les personnes elles-mêmes. Et c’est à ce niveau-là que le travail d’Étienne Davodeau touche à ses limites.
En effet, quand on connait sa bibliographie, on sait que c’est plutôt quelqu’un d'engagé, de militant. Son regard et son discours sont donc souvent biaisés, car surjoués, entièrement acquis à la « cause » qu’il défend. Il a du mal à faire preuve d'objectivité.
On le voit bien dans « Le droit du sol », dont le positionnement obstinément unilatéral m’avait franchement déplu. Pour moi, son propos était complètement démonétisé par cet esprit partisan, à la limite de la malhonnêteté intellectuelle. Car tout ce qui aurait pu lui apporter un début de contradiction avait été méthodiquement exclu du bouquin.
Idem dans « Les ignorants », où sa présentation de Richard Leroy était si élogieuse qu’elle en paraissait caricaturale. Tout ce que faisait, disait, pensait ce brave vigneron était au-dessus du commun des mortels. Il était dépeint comme une espèce de surhomme, jouissant de toutes les qualités, ayant compris toutes les lois de l’univers, ne pouvant faire que le meilleur vin du monde.
Dans une moindre mesure, c’est un peu pareil dans « Là où tu vas ».
Davodeau focalise exclusivement sur Françoise, au détriment de ses patients. Il décrit l’action de son épouse comme exemplaire, fruit d’une sagesse hors-norme et d’une bienveillance infinie. Attention, je ne dis pas que c’est faux. Je suis convaincu que cette dame est une excellente professionnelle ; sa déontologie et son expérience humaine ne faisant aucun doute.
Cependant, il est tout aussi évident que son auteur de mari a soigneusement trié ce qu’elle a pu lui dire pour ne servir que son propos à lui. Cette forme de partialité, typique de son style, se ressent constamment. Jamais on ne la voit douter. Chaque mot qu’elle emploie est à la bonne place. Elle ne se trompe jamais…
Et quand « Ça ne marche pas toujours », comme s’intitule le seul chapitre où elle « échoue », elle n’y est évidemment pour rien. Les trois seuls exemples cités montrent bien que c’est la faute de la famille, de l’aidant, ou pire, de l’emprise qu’avait le méchant mari sur la femme. Bref, vous voyez l’idée.
Quand on travaille avec de l’humain – j’en sais quelque chose, croyez-moi – l’équilibre est toujours fragile. On ne contrôle pas tout, loin de là, et la charge émotionnelle est intense. De nombreux soignants, qui rament au quotidien, pourraient presque se sentir dévalorisés à la lecture d’un tel album.
Par ailleurs, Étienne et Françoise ont l’air de vivre dans d’excellentes conditions matérielles et socioculturelles, à la campagne, dans un environnement préservé et apaisé. Grand bien leur fasse. Mais c’est rarement le cas chez les personnels soignants ordinaires, particulièrement sous-payés, qui n’ont pas la chance de bénéficier de telles conditions d’exercice. Cet aspect n’est jamais évoqué dans l’album. Apparemment, ce n’était pas l’intention d’Étienne Davodeau qui n’a souhaité parler que de sa femme et pas du tout de la profession. Un peu dommage car même si Françoise est admirable, cela restreint clairement l’intérêt de l’ouvrage.
« Là où tu vas » reste un album solide et instructif mais il aurait été sans doute bien plus pertinent s’il avait laissé la place à la nuance, aux gens, à l'émotion, aux failles inhérentes au métier. Et surtout, s’il s’était un peu décentré de ce nombrilisme, hélas récurrent chez son auteur.
Je ne regrette pas mon achat mais je ne me sens plus en phase avec lui.