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eanne et Paul sont collègues. Lors d’une soirée après le travail, ils se tournent autour et se rapprochent ; de très près. Lui est en couple, mais il dit que c’est compliqué avec sa copine ; elle imagine donc que la rupture est proche et qu’ils ne font qu’anticiper l’inévitable. Bien sûr, elle ne peut voir son amant que sporadiquement. C’est dur, mais il lui murmure des mots doux, l’assure de sa passion et le lit est toujours là pour régler la question. Le temps filant, les scènes et ruptures s’enchaînent ; Jeanne veut avoir davantage de place dans l’existence de Paul qui ne se décide pas à quitter Solène. Puis il formule l'idée d'un trouple.
L’aveuglement amoureux et les croyances limitantes forment un terreau parfait pour le manipulateur affectif se jouant des cœurs sous couvert de polyamour. C’est ce que montrent Louise G. dans L’équation à trois cœurs, publié dans la collection MARAbulles. À travers les déboires sentimentaux de l’héroïne, l’autrice aborde les nombreux aspects d’une relation affective défaillante. La narration s’ouvre par un rendez-vous de Jeanne avec une de ses amies, à un moment où elle n’en peut plus, avant de revenir sur le déroulé de ses amours avec Paul. Le piège apparaît d’emblée et ne fait que se refermer davantage sur le personnage, dérouté et empêtré dans une situation des plus toxiques. Crises de jalousie, humeur instable, signaux d’alerte qui clignotent sans être vus/acceptés, stalking en règle et échecs répétés pour s’extraire d’un schéma nocif, tout est passé au crible. Les mécanismes de ces liens déséquilibrés sont décortiqués et pointés du doigt de façon suffisamment claire pour que toute personne qui s’y trouverait engluée puisse prendre conscience de sa situation. Au dessin, Gomargu rend une copie honorable qui accompagne le propos sans prendre le dessus. Cependant, il est un peu dommage que les silhouettes des protagonistes soient assez similaires et l’expressivité guère marquée.
D’une lecture aisée, L’équation à trois cœurs a le mérite d’éclairer sur les relations amoureuses toxiques, apportant une dimension préventive utile.