Info édition : En fin d'ouvrage les visuels des couvertures des albums parus chez divers éditeur
Résumé: L'horreur hante les entrailles de la ville... Quelque part dans le futur, les sous-sols de la ville tentaculaire de Métropolis sont habités par une bête immonde et malfaisante : le Kraken. Le Lieutenant Dante et son équipe sont envoyés pour le traquer, le combattre et l'anéantir. Malheureusement, parmi les ordures et les rats, ils vont surtout tomber nez à nez avec la lie de l'espèce humaine, une faune malsaine d'individus pétris de haine, de violence et de peur. Et si le Kraken n'était quune incarnation de la face obscure de l'humanité ?En une série d'histoires courtes parues initialement en France dans « Métal Hurlant », Segura nous plonge dans une ambiance entre horreur, S.F. et critique sociale, à la manière de La Nuit des Morts-Vivants de George Romero, pour brosser un portrait pessimiste de l'avenir de notre monde Le sublime dessin noir et blanc de Bernet (Torpedo, Bang Bang), terriblement réaliste mais aussi rehaussé d'une pointe de second degré caricatural, renforce l'ambivalence de cette série, véritable joyau de feuilleton pulp.
D
ans un futur indéterminé, s’étend la gigantesque Metropol, vaste cité régentée par la pègre et des élites corrompues. Du moins le devine-t-on, la quasi-totalité de l’action prenant place sous la ville, dans le tentaculaire réseau d’égouts et de tunnels qui entremêlent leurs boyaux sur une multitude de niveaux. Tel le pendant sordide du monde extérieur, ce dédale suburbain recueille plus que les déchets de la ville, les déchus de la vie : tous les laissés-pour-compte, traine-misères et désaxés, les malfrats, les évadés, les cabossés, une vaste Cour des miracles composant ce peuple de rebuts. Et puis il y a le Kraken. Monstre mythique hantant les ténèbres, incarnation du mal selon certains, la plus dangereuse créature de ces lieux déjà bien funestes. Arpentant sans relâche ce cloaque, le patrouilleur Dante - nom ô combien approprié – s’applique à faire régner la loi au sein de sa brigade de la police souterraine.
Composé d’une quinzaine de courts récits (6 à 12 pages) indépendants centrés sur Dante, ce recueil brosse un vaste panorama des dessous de Metropol au travers d’une multitude de destins tragiques croisant la route de celui-ci. Assumant son statut de série B, le scénario enchaîne les meurtres sauvages et les scènes horrifiques, mettant en scène son lot de beautés fatales et de truands adipeux, de jeunes filles éplorées et de sadiques patentés, sans oublier les innocents sacrifiés, les idéalistes tourmentés et, au milieu de tout ça, l’inoxydable Dante. Dur, inflexible, c’est le héros machiste archétypal : brun ténébreux, menton carré, en provenance directe des magazines pulp des années cinquante, il contraste avec les trognes baroques, singulières, outrées, des autres protagonistes. Évidemment, de vrais morceaux de sentiments, accès de tendresse ou remords non feints, sont disséminés par Antonio Segura tout au long de ces pages pour en atténuer - ou en rehausser ? - la noirceur. Dans la pure tradition du genre.
Complice indispensable, préposé aux pinceaux pour mettre en image les histoires crues et violentes des krakeneurs, Jordi Bernet démontre une nouvelle fois sa maitrise du noir et blanc, dans la lignée des grands encreurs des fifties. Un encrage qui trouve toute sa force dans cette édition intégrale, purgée des couleurs fades mais envahissantes des albums parus aux Humanos. L’ambiance glauque, poisseuse, les murs suintants, l’obscurité angoissante, les eaux noires et menaçantes, cette atmosphère délétère est parfaitement prégnante, grâce au soin attentif porté aux reflets et aux ombres. Particulièrement exemplaire et réussi, également, le travail du dessinateur sur les personnages : visages expressifs, faciès mémorables, la galerie de portraits - dont un Orson Welles lippu et ventripotent bien croqué - est savoureuse. Le casting féminin est au diapason : les pulpeuses créatures semblent abonder dans ces culs-de-basse-fosse, même si les pauvrettes ont une étrange propension à s’accoutrer bien légèrement pour ainsi s’aventurer dans ce labyrinthe immonde. Une distraction de l'assistant costumier sans doute.
Par-delà le témoignage graphique d’un duo emblématique de la BD espagnole, cette œuvre, qui réveille la nostalgie d’une époque à l’absolue liberté de ton - jusqu’à l’outrance, parfois -, peut également se découvrir simplement, pour le plaisir de ces histoires sombres et déjantées, et la grâce de ce dessin sobre, dense, instinctif. Une réédition parfaitement opportune.
Les avis
jeff2u12
Le 07/11/2017 à 21:41:19
Composé au début des années 80 un peu en parallèle avec Torpedo, Kraken vaut par les personnages dessinés par Bernet et moins par un scénario très efficace au début mais qui se répète un peu au fil des épisodes. Pas mal de sales gueules qu'on retrouvera dans Retour avec une histoire signée Abuli et plus débridée.
Fantasy30
Le 04/02/2017 à 19:53:53
Une bonne série qui vaut surtout pour le dessin... Les ombrages noir et blanc et le trait réaliste nous plongent au tréfonds des égouts d'une ville imaginaire...
Le scénario, fait de plusieurs historiettes, avec pour fil rouge un flic ténébreux à la tête d'une équipe de police spécialisée qui traque un monstre, tient en haleine sans pour autant nous essoufler!
Une lecture sympathique pour les nostalgiques des récits plus libres des années 80. Le tout a un peu vieilli quand même... 7/10