Résumé: Europe de l'Est, début du XXe siècle. Un tisserand juif se rend au marché pour vendre ses tapis brodés à la main. Tandis que sa femme est sur le point d'accoucher, il se voit refuser ses travaux car son grossiste n'accepte plus que des tapis manufacturés. Le futur jeune père de famille se trouve alors confronté, le temps d'une journée pas comme les autres, à la réalité du marché qui bouleversera sa vie...
A
près quelques années dans le domaine de l’éducation, James Sturm fait son retour éditorial avec Jour de marché. Une fois de plus, il pose un regard croisé sur le passé et cherche à découvrir l'origines des dérives de notre époque. Après les tensions raciales et les prémices du sport spectacle dans l’excellent Swing du Golem, les dérives de l’extrémisme religieux et la soif de l’or dans Above & Below (malheureusement pas encore traduit), il se penche vers un des piliers de la vie moderne, c'est à dire la société de consommation avec également un œil tourné vers le sort réservé aux Juifs en Europe au début du XXe siècle. Jour de marché est ainsi une œuvre complexe, soigneusement composée et permettant de nombreux niveaux de lecture.
Le soleil n’est pas encore levé quand Mendleman, un tisseur de tapis, se prépare pour se rendre en ville et y vendre sa production de la semaine. Il embrasse sa femme encore endormie, s'apprête tranquillement et s’en va, littéralement pas à pas, vers ses affaires. Arrivé au bourg, il a la mauvaise surprise d’apprendre que son habituel revendeur a pris sa retraite et que son successeur n’est pas intéressé par ses pièces. Apparemment, les temps ont changé, la qualité du travail de l’artisan n’est plus guère apprécié. Le règne du prix de revient et des profits vient de commencer.
Ce qui frappe en premier lieu, c’est le rythme posé de la narration. Sturm plonge le lecteur dans une époque où le temps n’était pas une denrée rare et qui, contrairement à l’âge de twitter et des téléphones intelligents, permettait la réflexion ainsi que l’observation de ses semblables et de son environnement direct. Loin de faire dans la leçon nostalgique, l’auteur montre, par petites touches, comment la société fonctionnait et a changé. À la place de longs discours, il se concentre sur les petits riens, les minuscules points pivots qui font que l’époque et les mœurs basculent. Au-delà de ce premier niveau de lecture, le scénario est suffisamment riche pour permettre de nombreuses autres pistes d’interprétation (métaphore de la vie d’artiste, angoisse de la paternité).
Pour un premier livre en couleurs, Sturm réalise également un excellent travail. Son traitement chromatique fait d’aplats aux teintes très pures donne une atmosphère douce et enveloppante, en parfaite harmonie avec le propos du récit. La mise en page, d’une extrême sobriété - une des constantes dans l’œuvre du dessinateur – est d’une parfaite lisibilité. Même les nombreuses scènes de foule gardent une clarté impressionnante. La combinaison parfaite de tous ces éléments, comme dans la très belle scène d’ouverture, est le témoin de la maîtrise exceptionnelle du média par cet artiste.
Jour de marché est de ces œuvres rares combinant une technique narrative impeccable et un propos très réfléchi, empreint d’une grande humanité. À lire attentivement, en prenant… son temps.
Les avis
Erik67
Le 02/09/2021 à 13:52:14
Nous suivons pendant 24 heures un vendeur juif qui part sur le marché afin de faire quelques bonnes affaires. C'est un marchand de tapis. Véridique. Une fois arrivé sur place, le grossiste lui refuse sa marchandise. Il décide de tout arrêter et s'octroie des derniers plaisirs lors d'une petite ballade.
L'auteur voulait montrer que de nouvelles forces sociales et économiques peuvent affecter une vie. Certes mais encore ? Il ne se passera pas grand chose et la réflexion philosophique de ce conte moral va tourner court du genre Dieu se révélera dans la nature de votre travail. Ce voyage ne sera pas aussi bouleversant que cela car il n'y a pas mort d'homme. Non, point de révélation ou d'illumination. Désolé.