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epuis deux ans, Jin Minakata, le neurochirurgien du XXIème siècle, est prisonnier du Japon des années 1860. S’investissant auprès de la population et soutenu par quelques mécènes, il vient d’inaugurer son cabinet, « Chez Jin », où il a recueilli Saki Tachibana, après la rupture de ses fiançailles, ainsi que Nokazé, l’ancienne courtisane. Celle-ci sert de modèle à Unsen, un peintre renommé dont la main ne parvient plus à tenir le pinceau. D’abord réticent, l’artiste accepte de se faire opérer par Jin, qui n’a pas le temps de suivre sa convalescence. Appelé par son ami Ryoma Sakamoto pour soigner le moribond Shozan Sakuma, il est pris dans la tourmente des évènements qui secouent Kyoto, où les partisans de l’empereur et ceux du shogun s’affrontent sans merci.
Comme c’était le cas dans les tomes précédents, Motoka Murakami dispense savamment, dans ce sixième volume, une véritable leçon d’histoire, montrant et expliquant les tenants et aboutissants d’une époque aussi trouble que méconnue, ainsi qu’un cours de médecine détaillé. Ces deux aspects suffisent amplement à susciter l’intérêt, car, loin d’être ennuyeux, ils sont développés et amenés de façon naturelle, sans s'enfermer dans une surenchère de rebondissements sans surprise. Au contraire, l’auteur suit l’évolution de l’archipel nippon en cette fin d’ère Edo ; il met en présence les différents partis en les replaçant dans leur réalité et leur environnement sociaux et politiques. De même, si le rythme des interventions chirurgicales ou médicales du héros peut sembler répétitif – on compte au moins deux opérations dans chaque album -, il va souvent de pair avec la mise en avant d’une particularité culturelle ou d’une figure marquante.
Cependant, c’est un troisième aspect qui, mis en sourdine jusqu’à maintenant, revient sur le devant de la scène : le fantastique. On se souvient que c’est suite à la découverte d’un fœtus dans le crâne d’un étrange patient que Jin avait atterri dans le Japon du XIXème siècle, mais en dehors de quelques passages nostalgiques, l’auteur avait laissé de côté cet élément. Les premières pages du volume 6 nous détrompent : le mangaka n’a pas abandonné cette piste et il livre même une information capitale qui relance totalement la curiosité sur ce point demeuré obscur. Quelques coïncidences troublantes dans la suite de l’intrigue entretiennent d’ailleurs le suspens et la fin laisse le lecteur avide d’en savoir plus à ce sujet.
C’est avec un plaisir toujours renouvelé qu’on suit les aventures de Jin, ce médecin transporté dans le passé. Le graphisme soigné, précis et réaliste est également pour beaucoup dans la bonne tenue de ce seinen qu’il serait dommage d'ignorer plus longtemps.