À
la fin des années 80, HBO diffuse une série produite par les studios Jim Henson et scénarisée par Anthony Minghella : The Storyteller (Monstres et Merveilles en français). Elle revisite dans un premier temps des récits traditionnels et folkloriques européens, avant de s'intéresser à la mythologie grecque. À l'instar des Contes de la Crypte, chaque histoire est présentée et commentée par un conteur (l'excellent John Hurt) et son chien (parlant, comme de bien entendu). Malgré sa courte durée de vie (treize épisodes en tout), elle a conservé une certaine aura. Il est d'ailleurs actuellement prévu de la relancer, avec un certain Neil Gaiman à l'écriture.
C'est dans le cadre d'un contrat de développement de bandes dessinées autour des créations de la Jim Henson Company (incluant également Dark Crystal et Fraggle Rock) qu'une collection inspirée de l'univers du Storyteller a été éditée. Chaque recueil s'attache à un type particulier de créature : dragons, sorcières, géants...
Ce tome est consacré aux sorcières et se compose de quatre récits d'origines diverses :
L'oie magique et le maître de la forêt par S. M. Vidauri (Iron ou la Guerre d'Après) ; un conte à la Andersen
La sorcière des neiges, inspiré d'une légende japonaise, par Kyla Vanderklugt ;
L'île fantôme, une variation sur le mythe celtique de Tír na nÓg, par Matthew Dow Smith (croisé dans des univers aussi variés que Docteur Who, Hellboy ou Starman) ; enfin,
Vasilissa la Belle provient du folklore slave et met en scène la terrible Baba Yaga, par Jeff Stokely (Six-Gun Gorilla)
Si la thématique est commune, chaque auteur apporte sa propre sensibilité à l'histoire qu'il choisit d'adapter. Il n'existe de toute façon aucune version canonique des contes repris dans ce recueil. Certaines se sont imposées dans l'inconscient collectif, mais ne représentent qu'une interprétation parmi d'autres. Kyla Vanderklugt, qui revisite la légende de Yuki-onna, reconnaît s'être volontairement écartée de la version la plus connue, telle que racontée par Lafcadio Hearn, pour exprimer sa propre vision, qu'elle espère fidèle à l'esprit originel.
Les auteurs jouissent d'une liberté totale quant au style qu'ils veulent insuffler à leur contribution. Chacune possède indéniablement une identité graphique marquée. C'est plus du côté des scénarios que le bât blesse. Même en ignorant l'implication de Neil Gaiman dans une reprise du Storyteller, il est presque impossible de ne pas penser à lui dans ce genre de réappropriation de mythes populaires. Il a maintes fois démontré sa capacité à complètement réinventer des fables qui semblaient usées jusqu'à la corde. Dans cette anthologie, l'audace graphique n'occulte pas un ton général trop policé. Sans doute est-elle destinée à un public plutôt adolescent, ce qui implique une certaine forme de retenue. Ce choix limite les possibilité d'apporter un twist original. Les récits sont plaisants, mais sans relief particulier. En tout cas, rien qui n'en fasse autre chose qu'une version de plus d'une histoire déjà connue.