Résumé: Catherine Meurisse a résidé plusieurs mois à la Villa Kujoyama, une résidence d'artistes située à Kyoto. Cherchant à renouveler son inspiration, elle s'est immergée dans les paysages japonais. Un an plus tard, elle séjournait de nouveau au Japon, quand le typhon Hagibis dévastait une partie du pays. De ces deux voyages, placés sous le signe de la nature, tour à tour muse et dévastatrice, est né l'album La Jeune femme et la mer. « Je voudrais peindre la nature », affirme la dessinatrice française à peine atterrie sur le sol japonais. Mais la nature ne sait pas prendre la pose. Elle se transforme, nous entoure, nous subjugue. Sur son chemin, comme un miroir, un peintre japonais, qui, lui, voudrait « peindre une femme. » Quelle femme ? Nami, la jeune femme de l'auberge thermale où les deux artistes vont séjourner ? Nami, mystérieuse, n'est pas un modèle facile. Elle semble liée aux éléments naturels : elle sait lire l'arrivée d'un typhon dans les plis de la mer. Pour décrypter les signes dans ce décor rural du sud de l'archipel, un tanuki effronté, animal mythologique incontournable de la culture nippone, surgit au gré des déambulations de nos deux amis artistes. Dans une nature magnifiquement retranscrite par un trait de plume précis, où plane l'ombre d'Hokusaï et des maîtres de l'estampe, Catherine Meurisse propose avec "La Jeune femme et la mer" un récit initiatique qui questionne la place de l'Homme dans la nature et le recours à l'art pour saisir les paysages qui disparaissent.
E
n 2018 puis en 2019, Catherine Meurisse se rend en résidence au Japon. Confrontée à un pays qui lui est étranger, elle éprouve l’envie de le peindre ! Ce faisant, la dessinatrice de Delacroix se mélange quelque peu les pinceaux… en parlant de nature en lieu et place de paysages !
La notion de paysage est née en Chine, au IVème siècle sous le terme 山水, Sanshui, littéralement Montagne-Eau. À la même époque, Zong Bing dans son Introduction à la peinture de paysage définit celle-ci comme la capacité à aller au-delà de la simple représentation des choses afin d’atteindre une forme de spiritualité. De fait, les définitions sont nombreuses, mais si la "nature" est une réalité dont peut rendre compte un géographe ou un agronome, le concept de paysage implique, a minima, une certaine distanciation au sujet et un processus d’interprétation où la culture joue un rôle primordial. Ceci explique qu’une même vallée peinte par un Japonais et une Française donnera probablement lieu à deux "paysages" différents.
La jeune femme et la mer est le récit de la découverte d’une nouvelle esthétique. Pour cela, Catherine Meurisse travaille d’abord par analogie avec ce qu’elle connait, bien qu’elle soit ici dans le but de « renouveler sa banque d’images visuelles ». Mais rapidement, elle s’appuie sur ceux et celles qu’elle côtoie pour l’accompagner dans son acculturation paysagère. Ainsi en est-il de Nami, hôtesse à l’élégance intemporelle, qui fait corps avec Dame Nature, dans ce qu’elle a à la fois de plus violent et de plus apaisant ; ou bien encore de cet amateur de haïkus à la recherche de l’impassibilité qui lui permettra de saisir la fugacité du Qi et de la retranscrire à travers ses toiles. Hésitant et drolatique lorsqu’il est question de parler d’elle et de ses déboires autochtones, le graphisme de Catherine Meurisse sait se métamorphoser pour, au détour de quelques vignettes, faire référence aux maîtres de l'estampe, ou s’incruster de peinture sur de superbes pleines pages.
Décliné en une belle palette de couleurs, sensible, touchant, dessiné avec humour et à propos, La jeune femme et la mer n’est pas simplement un carnet de voyage, c’est aussi une manière - quasi philosophique - de renouer avec le monde qui nous entoure.
Émotions encrées
Sur un pays au Levant
Me font voyager
Les avis
Erik67
Le 26/10/2022 à 08:03:58
Tout d'abord, je tiens à préciser que j'ai toujours eu de l'admiration pour Catherine Meurisse qui a vu ses amis et mentors mourir dans l'attentat de Charly Hebdo du 7 janvier 2015. Je me souviens de la parution de la légèreté qui évoque la reconstruction d'une femme survivante après cette terrible tragédie.
L'auteure part cette fois-ci au Japon pour trouver un élan artistique. Elle y trouvera de magnifiques paysages en se plaçant sous le signe de la nature. Il y aura également des éléments du folklore de l'archipel nippon dans ce conte à dimension philosophique.
On oscille entre la poésie et l'humour dans un décor de carte postale à l'estampe. Je dois dire que j'ai apprécié cet esthétisme résolument moderne. Certes, c'est assez minimaliste dans le dessin mais pour une fois, j'aime cette simplicité du trait épuré qui est baigné par de vives couleurs donnant de l'éclat à l'ensemble.
J'ai eu du mal à suivre ce scénario qui devient un peu alambiqué sur la fin. Cela ressemble plus à une errance qu'à un schéma constructif avec une intrigue claire. Bref, on fait des rencontres au gré d'un voyage initiatique dont le thème est la place de l'homme dans la nature ainsi que l'instant de la contemplation.
Au final, une lecture douce et apaisante entre beauté, délicatesse et sensibilité et une pointe d'humour.
Eric DEMAISON
Le 23/08/2022 à 10:40:20
Catherine Meurisse à la recherche de la nature. Mais pas n’importe laquelle, une nature empreinte d'images et de culture japonaise. Nous la suivons dans sa recherche, dans sa difficile compréhension de mythes et rites japonais.
Ignorant totalement la culture japonaise, j'ai eu parfois du mal à adhérer. Mais heureusement, il y a cette touche burlesque, dans les dialogues et le dessin (notamment quand elle se représente perdue et seule). Il y aussi ces magnifiques envolées graphiques de représentation des paysages japonais (à la façon Hokusai).
Donc un vrai plaisir de lecture, mais peut être pas un grand souvenir.