Résumé: Entre aventure et confrontations religieuses, une étourdissante fuite en avant menée par Pion et Marazano.Il est des rencontres improbables que le destin se plaît pourtant à orchestrer. Guido, un fugitif chrétien poursuivi par ses pairs, tente de trouver refuge en Espagne, où il est effectivement sauvé par les hommes du Calife Abdu Al Khayr, qui ne supporte plus les incursions chrétiennes de plus en plus fréquentes sur ses terres. Peu reconnaissant, Guido tente aussitôt de tuer ses sauveurs pour recouvrer sa liberté... Tout autre qu'Abdu Al Khayr aurait aussitôt fait exécuter l'ingrat. Mais l'insatiable curiosité et l'humanisme du calife le poussent à garder à ses côtés cet homme dont le courage et la morgue, même à l'aube de la mort, n'ont jamais vacillé. Baigné, parfumé, Guido fait maintenant partie de l'entourage d'Abdu, qui lui demande de l'escorter pour un pèlerinage vers la Mecque en passant par Jérusalem. Mais la route de Jérusalem est dangereuse et les sentiments naissants de la soeur du Calife vont raviver en Guido les souvenirs douloureux d'un terrible passé. Ce pèlerinage cache un lourd secret que seuls l'amour et l'amitié pourront finalement révéler...
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rêtre défroqué, Guido est capturé par le calife Abdu Al-Khayr dont il a tué quelques hommes par méprise, alors qu’il fuyait des soldats francs. Intrigué par l’opiniâtreté farouche de cet Italien, malgré son impolitesse, Abdu, influencé par sa sœur Salima, décide de lui laisser la vie sauve et de l’emmener durant son pèlerinage à Jérusalem puis à la Mecque. Durant le trajet, leur bateau est éperonné lors d’une tempête. Abdu y voit la main de ses puissants ennemis et sait qu’il leur est désormais impossible de retourner dans leur domaine. Commence alors un long périple à travers le désert lybien, qui oblige les trois compagnons à puiser dans leurs ressources physiques et morales.
Jérusalem, le titre est évocateur et chargé de symbole. . Cette ville n’est-elle pas celle de tous et d’aucun, celle qui a cristallisé et cristallise encore les passions les plus vives, les intolérances les plus acerbes, tout en constituant un formidable carrefour culturel ? Richard Marazano développe tout ceci à travers ce one-shot. En effet, outre le récit d’une aventure périlleuse agrémentée d’une amitié naissante et d’un amour à sens unique, le scénario met l’accent sur les préjugés, les différences, la difficulté à appréhender l’autre dans le contexte troublé du Moyen-Âge. Ainsi, l’esprit borné de Guido, empêtré dans son passé de fanatique exalté et dans la haine du musulman, s’oppose à l’ouverture d’Abdu, empreinte de philosophie mais non exempte d’idées reçues lorsqu’il s’agit de juger les Berbères qu’ils rencontrent. C’est donc par le biais de la médiation de Salima et par celui des épreuves endurées ensemble que le dialogue et l’acceptation s’instaurent. Si le fond s’avère donc des plus intéressants, la forme laisse en revanche un goût de trop peu. Le format en quarante huit planches paraît bien étriqué au vu des nombreux évènements qui rythment l’histoire. Le lecteur est lésé dans l’explication de certains détails, tout en bénéficiant de l’intemporalité du propos issue justement de cette mise en situation restant assez floue. Quant au dessin de Patrick Pion, il colle à la narration et passe plutôt bien malgré un graphisme qui semble légèrement daté et des défauts dans les visages, comme des yeux mal alignés ou des ombres qui les rongent et les transforment. En revanche, les décors sont maîtrisés, bien rendus et, avec le jeu des couleurs, restituent une ambiance réussie.
Jérusalem est un album enrichissant qui interpelle sur des questions essentielles tout en laissant un léger goût de frustration à cause d'une narration trop rapide.