Résumé: Jean-Corentin Carré est né le 9 janvier 1900, dans la commune du Faouët (Morbihan). Témoignant d’une certaine précocité intellectuelle, le jeune homme se montre plutôt doué pour les études. En 1912, son maître d’école le recommande au percepteur de sa ville, qui l’emploie comme commis aux écritures, une carrière d’employé de bureau, vite interrompue par la déclaration de guerre. Le père de Jean-Corentin, mobilisé, part pour le front. Son fils veut le suivre, mais, à 14 ans, il est bien trop jeune et sa demande d’engagement volontaire est refusée.
En avril 1915, il annonce à ses parents sa décision de quitter la France pour l’Amérique Latine. Mais s’il quitte bien le Morbihan, c’est pour se rendre à Pau. Là, il se présente au bureau de recrutement, où il déclare s’appeler Auguste Duthoy, né le 10 avril 1897 à Rumigny, dans les Ardennes. Ce lieu de naissance n’est pas anodin. La ville de Rumigny étant située dans la zone envahie, il est impossible aux autorités militaires françaises de contacter sa municipalité pour demander confirmation de l’état-civil du jeune homme. Ainsi dispensé de prouver son âge et son identité, Jean-Corentin Carré est incorporé. Il est alors l’un des plus jeunes soldats de France, sinon le plus jeune. Il effectue son temps d’instruction militaire à la 29e compagnie du 410e R.I., dont le dépôt est à Rennes. Son niveau d’instruction le destine tout naturellement à suivre le peloton des élèves caporaux. Toutefois, il n’est pas encore titulaire du grade lorsqu’il part pour le front, le 20 octobre 1915.
C’est en Champagne qu’il découvre la guerre. Après un bref passage à Sainte-Menehould puis une période d’instruction à Sivry-sur-Ante, il prend les tranchées le 15 novembre dans le secteur du Mesnil-lès-Hurlus. Il ne pouvait rêver pires conditions pour un baptême du feu, l’enfer, les tranchées, les affrontements à la baïonnette, l’horreur. Depuis l’offensive de septembre, le secteur reste très agité. Le froid et la neige n’arrangent rien...
I
l n'a que quinze ans lorsqu'il s'engage, sous une fausse identité, en 1915. Jean-Corentin Carré est officiellement le plus jeune soldat de la Grande Guerre et un symbole du courage et du patriotisme de la jeunesse de l'époque. Loin d'être une tête brûlée, le garçon est brillant : certificat d'études à 12 ans, capable d'une maturité de raisonnement avancée, il est le pur produit d'un conditionnement des têtes blondes depuis 1870. Quand son père part au front, il décide de le suivre, parce que c'est son devoir, quel que soit prix à payer. Très rapidement, le gosse devient un héros.
Centenaire oblige, les publications sur 14-18 sont à l'honneur. Après les anonymes, sortis de l'imaginaire, et les incontournables célébrités (Gavrilo Prinzip, François Ferdinand...), c'est au tour des hommes du rang qui ont marqué le conflit d'occuper le devant de la scène. Prévu en trois tomes, Jean-Corentin Carré Enfant soldat rend hommage à un tout jeune homme qui s'est jeté volontairement dans l'enfer du No Man's Land avec toute la fougue de son âge. Évitant l'anachronisme consistant à caler la psychologie d'aujourd'hui sur les gens d'hier, le traitement du sujet crée le décalage avec ce personnage qui paraît si étranger à nos préoccupations actuelles, si éloigné de nos considérations sur la guerre. Même s'il reste lucide sur les événements qu'il traverse, Jean-Corentin éprouve une fierté conquérante, fait preuve d'une certaine abnégation qui le pousse à se mettre tout entier au service de la France, sans se préoccuper des traumatismes. Cet amour de la patrie et la soif de gloire donnent un ton que l'on retrouve dans la plupart des ouvrages immédiatement postérieurs à 14-18 : journaux, encyclopédies, romans qui mettent en scène la figure héroïque du poilu, où tout doute, toute peur et toute forme de lâcheté sont bannis. Peut-être est-ce cette mentalité d'airain qui a permis à la plupart de passer ces quatre ans et de revenir à une vie normale. Le dessin reste dans une classique pour exposer sans fard les émotions et les charniers, faisant le choix d'une forme de banalité pour mieux coller à l'esprit de l'exposé.
Même s'il s'en tient à une belle rigueur historique et s'il campe un personnage d'exception, par son classicisme, cet ouvrage peine pourtant à se démarquer du trop-plein de production sur ce thème.