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eu connu du grand public malgré des collaborations avec des stars du métier (Moebius, Lewis Trondheim, …), Jean-Luc Coudray distille, depuis plus de vingt-cinq ans, une poésie composée d'une logique implacable et d'un humour omniprésent. Autre pan de son talent, il est également le créateur de plusieurs strips quotidiens, principalement parus dans la presse régionale dans le courant des années quatre-vingts. Je suis heureux par vengeance (anthologie qui reprend, en plus de proposer des inédits, les deux tomes de Béret et Casquette précédemment parus chez La boîte à bulles en 2005 et 2008) regroupe ces nombreuses histoires courtes.
Alors qu'il est un des piliers de la bande dessinée en Amérique du Nord, le strip est un genre peu répandu en Europe. Ce style narratif qui conjugue art de la concision et maîtrise de la chute, est également une affaire d'endurance. En effet, le rythme de parution journalier demande une énergie créatrice de tous les instants. Jean-Luc Coudray s'est attelé à cette tâche avec enthousiasme en créant deux personnages lambda, Béret et Casquette. Ces deux quidams commentent l'existence, philosophent par moment et, surtout, mettent en lumière l'absurdité du monde et les mœurs de ses étranges habitants. Le résultat est brillant, souvent exigeant et invariablement hilarant. Les amateurs de Pierre Desproges, Fred (période Hara-Kiri), Gébé ou Copi devraient être immédiatement conquis par cet univers minimaliste bourré de clairvoyance.
Évidemment, ces petits instantanés, originellement prévus pour être lus un par un, peuvent paraître indigestes en série. Comme un bon cru, il est préférable de les déguster par petites gorgées, pour savourer l'instant.