Résumé: François Villon aura tout expérimenté de l'art de la subversion. Aucune règle ni aucun sentiment, même les plus naturels en apparence, n'auront pu éviter une remise en cause par son esprit fort et rebelle. Aucune fréquentation enfin ne l'aura rebuté, quand bien même elle serait désastreuse pour sa réputation. Il fut rejeté, banni, mais reste aujourd'hui encore l'un des plus grands poètes de notre histoire.
J
uin 1461, François Villon continue d'exercer son talent dans une petite troupe itinérante, entre deux larcins. Après avoir déclamé les vers d'une pièce de théâtre intimiste, il termine la soirée avec ses compagnons de débauche par le vol d'oies appartenant à l'évêque de Meung-sur-Loire, fief de Thibault d’Aussigny ; une plaisanterie au regard de son passif de criminel endurci. Mais bien mal lui en a pris car il se retrouve au réveil dans les geôles de ce seigneur, avec une bonne gueule de bois. Jusqu'à présent relativement épargné par la main de la justice grâce à ses relations, jouant avec sa vie comme avec celle des autres, il se voit torturé dans les règles de l'art, pressé d'avouer ses actes infâmes. Arrivera-t-il cette fois encore à s'en tirer à bon compte ?
Dernier tome de la trilogie, Je crie à toutes gens merci, aborde les deux dernières années de vie connues et la disparition de l'un des plus grands poètes français. Luigi Critone ralentit le rythme. Cette dilution du temps permet de mettre en valeur le terrible gâchis qu'est devenu cet homme, ce génie capable d'exprimer une poésie intelligente, belle, et son abjecte personnalité, à l'origine des pires atrocités. Le découpage est classique, avec peu de cases, quelques pleines pages et des planches muettes qui invitent à une prise de conscience, celle du personnage, prisonnier physiquement mais aussi de sa réputation devenue trop lourde.
Le dessin est simple mais d’une forte puissance expressive, les décors sont sobres, les arrière-plans dépouillés. Par l'utilisation de couleurs très douces, superbes, tout est ambiance. Elles inspirent à elles seules les émotions exprimées. La première scène et la visite du roi au détenu sont un modèle de clair-obscur, tout à l'aquarelle, sans contour marqué. Cette palette délicate fait supporter la rudesse et la violence du récit, inclinant le lecteur à un peu d'empathie pour cet être entier, désarmant.
À la fois scénariste et dessinateur sur cette série, Luigi Critone s'est vu confier les pleins pouvoirs par Jean Teulé. Cette confiance est totalement méritée, compte tenu de la qualité de cette adaptation. Un graphisme sublimé par une colorisation de toute beauté, une mise en scène juste et réaliste, Oyez ! Oyez ! Voilà la magnifique mais tragique légende de François Villon en images, artiste adoré mais humain détestable.
Les avis
kingtoof
Le 08/08/2024 à 09:24:42
Un excellent triptyque sur la vie et l'œuvre de François Villon, avec une belle adaptation des récits de Jean Teulé.
En une vingtaine d'année, Villon aura tout connu, la misère, la vie d'étudiant parisien du XVème siècle, tonsuré, bandit (notamment avec les terribles coquillards), "influenceur" de la jeunesse, la prison, la torture, la promesse de la potence, la vie de cour...
Bref, un personnage incroyable avec de nombreux côtés sombres, qui disparaitra de l'Histoire suite à son bannissement de Paris...
Shaddam4
Le 05/09/2018 à 13:29:56
Le triptyque de Luigi Critone sépare la vie de Villon entre ses premiers méfaits d'étudiant (Tome 1), sa vie de bandit (tome 2) et sa repentance (tome 3), de façon remarquablement équilibrée et logique. A la complexité des citations des poèmes en ancien français entre les parties répond une linéarité plaisante et l'élégance du trait.
Ce dernier volume, après les horreurs passées, s'ouvre sur une séquence de théâtre où le public invisible est clairement le lecteur: Villon s'y confronte à ses démons, sa morale, son sur-moi avec qui il disserte de ce qu'il a fait et de ce qu'il doit faire. Cette introspection débouchera très rapidement sur l'emprisonnement et la torture, aussi abominable que les peines qu'il a causées. Là diverge la fiction des écrits de l'auteur où il se lamente longuement sur son sort et les malheurs que la Justice et quelques puissants lui ont infligé. Dans l'album pas de plaintes passée l'introduction: la dureté de la sanction semble lui mettre du plomb dans la cervelle et lui fait atteindre la maturité tant repoussée. La morale ne porte pas sur une sanction méritée, la BD a montré combien il n'y avait pas de morale en cette sombre époque. Simplement elle pose un principe de réalité à un personnage qui a tenté de s'en émanciper toute sa vie durant.
L'épisode nous fait rencontrer Louis XI qui le libère après un long et joli dialogue où les crimes du poètes répondent aux crimes du roi, en écho. Si l'intermède du tome 2 avec l'humaniste Charles d'Orléans était un peu frustrante par sa brièveté (l'enjeu pour Critone était de montrer une nouvelle fois la trahison de Villon), les échanges prennent ici une grande force sur des considération philosophico-morales.
La constance du personnage construit par l'auteur de BD est vraiment remarquable de cohérence tout au long de cette trilogie. Rarement un personnage de BD aura eu une telle épaisseur et le discours une telle solidité. Le travail tant graphique (superbe) que littéraire mérite toute l'attention des lecteurs et je recommande très chaudement l'achat d'une série que Delcourt a eu la sagesse d'éditer en intégrale.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/09/04/je-francois-villon-3
skycruiser
Le 27/12/2016 à 21:41:05
J'avais hâte de le lire...je n'ai pas été déçu!...un 3ème tome remarquable, qui clôt cette belle série!
A lire absolument!