L
os Angeles 1966. Norman vient de se faire plaquer par Emily, lasse du manque d’attention qu’il lui témoigne. De quoi vous flanquer le blues, a fortiori pour un musicien. A ceci près que Norman, lui c’est dans le jazz qu’il œuvre et cette rupture lui coupe sa veine créative au lieu de l'inspirer. Rien. Le soprano ne sort plus rien de potable à son goût. Pourtant, un groupuscule de fans pour le moins acharnés se constitue et en fait un musicien culte. Dans tous les sens du terme, il parviendra à fuir cet environnement frénétique. Sud de la France, décembre 1999. Une tempête digne d’une fin de millénaire s’annonce avec son lot de mysticisme. Emily est de retour.
Jazz club est une curiosité. Comme son titre pouvait le laisser prévoir, l’album est construit comme une improvisation, sans pour autant renoncer à une petite mélodie qui ramènerait à la surface le lecteur avant qu’il ne perde pied. Il joue avec les épreuves vécues par son personnage principal comme on joue avec les thèmes d’un morceau en les répétant de temps en temps entre deux passages plus tortueux. Il jongle avec habilité dans sa construction avec la chronologie sans jamais rudoyer l’auditeur comme peuvent le faire les audaces typiques – et parfois hermétiques - du « free ». Finalement, il est très sage cet album, dans une veine plus Barney Willem qu’Ornette Coleman pour oser un raccourci de non-spécialiste.
Pour le dessin, impossible de ne pas penser au style de Voutch lorsqu’on découvre le personnage de Norman et le jeu des couleurs qui s’affranchit des crayonnés pour découper silhouettes et décors. Loin d’être un reproche, on se dit qu’il convient on ne peut mieux au caractère et à l'environnement de ce grand échalas un peu vouté qui a choisi de se couper du monde le jour où il a perdu l’élue de son cœur.
Finalement, au moment de fermer l’album, une envie est là, née d’une association d’idées entre sa conclusion et un titre mythique du jazz. L’envie, c’est celle de revenir à A love supreme. Ce n’est pas le moindre des mérites de Jazz Club.
A noter : Jazz club avait fait l'objet d'une pré-publication sur l'excellent site Coconino-world