Info édition : Noté "Dépôt légal à parution". Format 162 x 215 mm.
Résumé: La Terre paraît bien loin, vue de la Lune, et bien paisible. On n’y distingue pas les longs pipelines qui strient des sols arides et transportent son bien le plus précieux; on ne devine pas la sécheresse qui sévit ni les malheurs qu’elle engendre; on n’y entend pas les plaintes des moins fortunés, ni l’oppression que ces derniers subissent, même si la colère gronde, et enfle, inexorablement. Sur la Lune, on ne souffre pas de tout ça, même si on reste tributaire de la Terre et de son eau, que l’on fait importer dans d’énormes containers volants. Il faut aussi, bien sûr, être plus riches et plus puissants que le reste de l’humanité pour mériter cette place de choix sur ce triste satellite, devenu refuge de l’élite mondiale.
Politique et poétique, Les Jardins de Babylone use d’une narration à plusieurs voix, où de plus courts chapitres viennent s’enchâsser dans un récit plus grand et plus tortueux. Nicolas Presl dresse alors le portrait d’une humanité minée par ses inégalités et par l’arrogance d’une minorité qui s’arroge tous les droits, même si avidité et égoïsme semblent se retrouver dans toutes les couches de cette société en péril.
Entre fable prémonitoire et pur récit de science-fiction, Les Jardins de Babylone refuse tout manichéisme et empoigne à bras-le-corps la complexité du monde et des sentiments humains – et si le constat peut paraître parfois un peu sombre il n’est, heureusement, pas complètement dénué d’espoir, ni d’humour.
D
es tuyaux plongent dans des rivières, des lacs... ils pompent l'eau, l'acheminent à travers de vastes étendues arides jusqu'à des installations titanesques où ils déversent leur précieuse cargaison dans de gigantesques réservoirs qui sont envoyés vers la Lune, devenue le refuge des riches et des puissants. L'or bleu y coule à flots, irriguant de vastes jardins d'agrément, des piscines, des saunas... Pendant ce temps, sur Terre, la sécheresse menace et la population tente de grappiller quelques gouttes du précieux liquide pour subsister. La colère gronde.
Nicolas Presl revient avec une fable d'anticipation qui allie critique politique et désastre écologique, non sans une solide touche d'humour noir. Il évite pourtant la facilité et le manichéisme qui consisterait à mettre en scène une opposition binaire entre l'élite qui, depuis sa tour d'ivoire, et le peuple, victime innocente de l'arrogance de la classe dirigeante. S'il dénonce l'égoïsme et l'avidité des hommes, il rappelle aussi qu'elles se rencontrent dans toutes les couches de la population, quitte à proposer une image bien sombre de l'humanité. La médiocrité n'est pas affaire de classe sociale.
Les Jardins de Babylone se présente sous la forme un récit choral, multipliant les personnages et les intrigues se mêlant au fil de courts chapitres s'attachant à l'un ou l'autre protagoniste. Une telle construction est d'autant plus difficile dans un récit entièrement muet, procédé auquel l'auteur est fidèle depuis son premier livre. Il maîtrise parfaitement sa narration et traduit à merveille la complexité des situations et des émotions par la force évocatrice de l'image. Depuis la publication de [url=https://www.bedetheque.com/BD-Priape-58957.html]Priape[/url], en 2006, chaque nouvel ouvrage soulève la crainte que l'artiste ait atteint les limites de son style, et qu'il ne fasse plus que décliner une méthode qu'il domine, mais que la formule ne fonctionne plus. Et chaque fois, force est de constater qu'il parvient à se renouveler et à ne jamais donner l'impression de se reposer sur un savoir-faire. Les Jardins de Babylone est une étape de plus dans une œuvre singulière, résolument à contre-courant de la bande dessinée traditionnelle. Elle mérite largement qu'on s'y intéresse, parce qu'elle ne sacrifie en rien à la lisibilité et à la force universelle d'une bonne histoire. Ceux qui suivent Nicolas Presl depuis longtemps peuvent plonger les yeux fermés. Quant aux autres, pourquoi ne pas essayer quelque chose de différent, pour une fois ?