Résumé: « Tu sais ce que tu as fait ?... Oui, je viens de tuer John Lennon. »
Samedi 6 décembre 1980. Un homme taciturne atterrit à l’aéroport de New York. Il s’appelle Mark Chapman, il dit être ingénieur du son et venir pour travailler sur le dernier album de John Lennon. En réalité, il espère secrètement rencontrer son idole devant la grille du Dakota Building, aux côtés des autres fans. En rêve, Mark s’imagine membre des Beatles, partageant avec eux les tournées, les paillettes et la gloire. Mais dans sa tête, la frontière entre l’admiration et la haine est mince. Pourquoi le destin a-t-il voulu que Lennon devienne une star, et lui un moins que rien ? S’identifiant au héros de l’Attrape-Cœur de Salinger, Mark se sent prêt à tout pour réparer cette injustice. Par le sang, s’il le faut.
Personnage ambigu, les motivations qui ont poussé Mark Chapman à assassiner l’une des plus grandes stars de la planète font encore débat. Rodolphe et Gaël Séjourné tentent de répondre à cette question d'une manière fictionnelle et romancée en nous proposant une possible version des faits.
L
e 8 décembre 1980, Mark Chapman, 25 ans, tua John Lennon au pied de son domicile, au Dakota Building, en plein New-York. À bout portant, armé de son revolver 38 Special Charter Arms, il tira à cinq reprises dans le dos de sa victime, le touchant quatre fois. Désarmé par le portier, il est resté assis sur le trottoir, sans arme et un livre à la main, à attendre la police et les secours.
Pour ce dernier opus, les fils de l'intrigue ont été confiés à Rodolphe, dont on a déjà pu apprécier le travail sur des séries comme le Blaireau et la Maison Dieu ou plus récemment, le Baron Fou. Le scénariste choisit de suivre son tueur dès son arrivée dans la Grosse Pomme, soit deux jours avant de commettre l’irréparable. Se gardant d'expliquer le geste du déséquilibré, l'auteur du Temps Perdu invite à plonger dans les méandres d'un homme torturé, distillant avec soin les bribes de son passé - d'un père violent à sa femme sino-japonaise Gloria - et par la même lui esquisser une personnalité tourmentée.
Mêlant avec talent la réalité (des personnages présents à l'époque et des faits avérés) avec la fiction, il met en lumière son culte pour les Beatles, mais aussi la rage qu'il cultive à l'encontre de leur leader, comme sa haine des élites, de l'argent et sa fascination pour les médias. Les scènes d'interview fantasmées, par exemple, illustrent parfaitement le trouble dans lequel il a choisi de placer le futur tueur. La frontière entre réalité et hallucinations est parfois tellement ténue qu'elle en devient troublante. Son rapport aux autres et notamment aux femmes est également symptomatique : à la fois dans la (tentative de) séduction et dans le refus de contact. Un personnage complexe donc, que l'auteur prend un malin plaisir à rapprocher du personnage central de L'Attrape-cœurs, le livre de Salinger avec lequel on l'arrêta, en mettant en parallèle certains passages effrayant de similitudes (la ville, la scène avec la prostituée, la solitude ou encore l'asociabilité des personnages principaux).
Aux pinceaux, le travail de Gaël Séjourné est impeccable. Le soin apporté aux immeubles et plus largement à ce New-York des années 80 confère une belle crédibilité à ses planches. Les tons choisis, ocres et bleus pâles, donnent un côté suranné aux décors qui convient parfaitement aux différentes ambiances. Son trait réaliste et son découpage sobre et propre complètent la très bonne impression d'ensemble.
J'ai tué Lennon apporte une originalité à cette série, de par sa proximité temporelle comme son traitement qui - sans expliquer ni excuser le geste fatal - se révèle être une véritable immersion « dans la tête du tueur ». Visuellement et narrativement maîtrisé, ce titre conclut en beauté ce cycle de cinq albums et donne envie que l'expérience se prolonge.
La preview
Les avis
Erik67
Le 03/09/2020 à 21:37:41
Après avoir lu un bon nombre de bd sur les Beatles, je n'avais jamais rien lu sur la fin tragique de John Lennon le 8 décembre 1980 au pied de son immeuble à New-York. Nous avons là surtout une oeuvre sur Mark Chapman, l'assassin qui était pourtant fan du groupe au point d'épouser également à Hawaï une femme d'origine asiatique comme son modèle. Bref, l'attention est totalement focalisé sur lui. C'est un peu morbide comme démarche mais certainement utile pour comprendre ce que les fans essayent de percevoir depuis tant d'années.
C'est vrai que cette folie fait peur. Les auteurs ont réussi à partir de faits historiques avérés de récréer le déroulé des événements en se projetant dans les délires d'un assassin. Celui-ci affirmera que John a également tué en son temps à Hambourg un jeune marin pour s'emparer de son porte-monnaie. On ne sera pas la vérité mais on sait qu'il y avait eu une altercation violente. Les Beatles n'étaient pas non plus des enfants de choeur. Cependant, rien ne justifie un meurtre de sang froid. Or, les limites s'estompent dans l'esprit de ce jeune gars complètement déstabilisé. Il voulait devenir célèbre. Il a réussi en tuant la plus grande star rock au monde.
A noter que l'assassin purge toujours sa peine depuis près de 40 ans. Il a demandé des remises de peine ainsi que la liberté conditionnelle mais cela a été toujours refusé. On ne sait jamais. Il pourrait encore tuer d'autres membres du groupe.