I
nauguré en janvier de cette année par Le Cadavre et le Sofa de Tony Sandoval, le label Discover de Paquet s’enrichit de trois nouveaux titres ce mois-ci, dont le premier album d'Alexandre Franc : Les Isolés.
Philippe et Barbara Lerouge décident de passer une semaine dans un endroit en bord de mer afin de faire le point sur dix ans de vie commune. Ils réservent deux chambres séparées pour une confrontation qu’ils tentent de fuir. Lui arrive en train et passera la majeure partie du séjour plongé dans un livre sur la pêche à la morue; elle vient en voiture et trouvera une échappatoire auprès de l’employé de l’hôtel. Mais en cette période non-estivale, ce couple en péril se retrouve malheureusement isolé en compagnie du patron et de son unique subordonné, Rémi. Dans de telles circonstances : difficile de se soustraire à la réalité et à ce poids qui inhibe leur relation.
Pour ses débuts, Alexandre Franc livre un huis clos se limitant à quatre personnages. Deux personnes dont la relation est étouffée par un malaise profond. Un employé simple d’esprit qui d’une certaine manière fait revivre à Barbara ce traumatisme qui pèse sur sa conscience et sur sa vie conjugale. Et finalement, un gérant que l’auteur utilise surtout à des fins explicatives afin de guider le lecteur tout au long de la mise à nu de cette union décennale.
Cet objet aux dimensions plus petites que les albums standards, aux coins arrondis et pourvu d’un ruban marque-page sied parfaitement au style "court-métrage" du récit et à l’ambiance intimiste qu’il dégage. Le format gaufrier (ici 9 cases rectangulaires de taille identique) des planches contribue également au côté classique de l’œuvre. Muni d’un dessin à la ligne claire, Alexandre Franc ne se laisse cependant pas cloisonner par ce classicisme, pourvoyant son récit de touches humoristiques visuelles, souvent emplies d’ironie.
Malgré ces qualités indéniables, le récit, dont c’est pourtant le but principal, a du mal à véhiculer les émotions. De plus, les interventions éclairantes des différents protagonistes ont plutôt tendance à empêcher le lecteur de s’immerger dans l’histoire, là où une approche plus discrète et suggestive, usant de sous-entendus, aurait peut-être été plus appropriée.