Résumé: Un drame littéraire intimiste et troublant qui nous donne à réfléchir sur la question du choix et de ses conséquences, sur notre condition sociale et sur la fragilité du principe de réalité…
Iris a réussi sa vie : trois romans plébiscités, un mari éditeur attentionné, un appartement confortable au cœur du Quartier latin… Et pourtant, alors qu’elle s’apprête à recevoir un important prix littéraire, un mauvais rêve vient assombrir ce bonheur sans nuage. Chaque matin, elle se réveille avec la très nette sensation de vivre, la nuit, la vie d’une autre version d’elle-même, un double déchu, abîmé, au bord du gouffre, une Iris des mauvais choix et des galères, une Iris de la France d’à côté.
Et si ce cauchemar n’en était pas un ? Si cette vie d’écrivaine à succès n’était qu’une illusion ?
L
a vie d’Iris est parfaite. Écrivaine estimée, elle habite dans le sixième arrondissement parisien avec son compagnon, un éditeur. Alors qu’elle est pressentie pour remporter le Renaudot, elle n’ose plus dormir. La nuit, elle rêve à son double, une commis dans un espace culturel Leclerc. À la fin de sa journée de travail, cette dernière retourne à la maison pour servir le repas à un lourdaud alcoolique et s’occuper de son gamin souffrant d’une légère déficience mentale. Cette existence parallèle terrifie et obsède la bobo. Toutefois, serait-il possible que ces visions lui permettent de venir à bout de son syndrome de la page blanche ?
Après avoir coscénarisé La tomate, une intrigue dystopique, Anne-Laure Reboul exploite une idée similaire, mais de façon complètement différente en inscrivant son récit dans l’intime. L’autrice explore les détresses de deux femmes que pratiquement tout oppose, même si, fondamentalement, elles ne forment qu’une. Le lecteur devine que l’une et l’autre ont fait des choix discordants, probablement banals, qui les ont conduites vers des destins opposés. Cela dit, l’essence du personnage demeure puisque les deux versions de la protagoniste entendent l’appel de la littérature. Cette étrange dynamique pose de nombreuses questions : le succès est-il le fruit du hasard ? Le bonheur est-il vraiment mérité ? Qu’est-ce que le plagiat ? Sans oublier : les gens heureux ont-ils quelque chose à raconter ?
L’album se révèle une histoire de famille puisque c’est Naomi, la sœur de la scénariste, qui tient les pinceaux. Sa première incursion dans le neuvième art est fort réussie. Le trait de l’illustratrice rappelle un peu ceux de Gipi et de Sandrine Revel (notamment dans Tom Thompson, esquisses d’un printemps et Glenn Gould, une vie à contretemps). Bien que les visages soient sommaires, il s’en dégage une profonde émotion ; l’artiste met d’ailleurs presque systématiquement l’accent sur le jeu de ses comédiens, délaissant du coup les plans d’ensemble. Enfin, les couleurs à l’aquarelle, généralement sombres, accentuent efficacement le propos.
Une intéressante réflexion sur le vrai et le faux.