Résumé: Un gangster en fuite prend la place d'un docteur dans un pensionnat de jeunes filles ; pour les beaux yeux d'un magicien, une charmante princesse affronte un mage tordu ; une affreuse malédiction venue du Moyen Âge vient hanter deux amants ; un vieux roi tombe amoureux d'une paysanne ingénue dont la grand-mère était une sorcière... Quatre contes érotiques de Magnus, inédits en français.
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oberto Raviola, alias Magnus (1939-1996), est généralement considéré comme l’un des maîtres de la BD érotico-pornographique italienne. Un statut qui doit beaucoup aux 110 pilules, son adaptation du Jin Ping Mei, grand classique du roman chinois du XVIe siècle, réalisée au milieu des années 80, et dont la réédition avait fait l’ouverture de la collection Erotix de Delcourt fin 2009. Las, c’est peu dire que L’internat féminin, recueil de quatre « contes coquins » exhumés des années 70, qui vient de paraître dans la même collection, n’apportera pas grand chose à la gloire de l’auteur.
Malgré le titre donné au volume, qui oriente l’acheteur vers les sentiers d’un imaginaire fantasmatique moderne bien balisé, c’est dans un univers médiévalo-merveilleux que se situent la plupart des ces histoires. Dix chevaliers pour un magicien, la première du recueil, est peut-être la plus réussie. Dans cette fantaisie résolument légère et ludique, une princesse aussi jolie que portée sur la chose se trouve 110 pages durant au centre de toute une série de malédictions et de sorts magiques, dont la résolution passe généralement par le biais de joyeuses galipettes. Graphiquement, le trait de Magnus n’est pas encore celui qui fera sa gloire, mais il convient de souligner son art de dessiner ses héroïnes, et l’originalité du contraste introduit entre les lignes adoptés pour celles-ci et l'allure des personnages masculins, plus cartoonesques et grotesques. S’il n’y a pas lieu de crier au chef-d’œuvre, cette histoire est néanmoins assez plaisante et mérite l’attention des amateurs.
Mais les choses se gâtent avec Minuit de mort et Le crâne vivant, qui tentent de conjuguer cette veine avec un contenu beaucoup plus sombre et malsain, qui n’était qu’effleuré marginalement dans Dix chevaliers... Viols (souvent collectifs), sévices et tortures diverses envahissent alors ces récits. À titre d’exemple, l’un des personnages est ainsi attaché sur un bûcher, enfermé dans son armure à l’intérieure de laquelle son ennemi a jeté un rat et des araignées, et contraint, en outre, à regarder durant son agonie son épouse se faire « investir » ! Le mélange qui en résulte avec le projet érotico-grotesque de Magnus n’est guère convaincant, et il y a lieu de s’interroger sur la nature du but poursuivi. Quant à L’internat féminin proprement dit, qui présente l’arrivée d’un dangereux pervers, déguisé en médecin, dans un pensionnat de jeunes filles, le contenu en est plus lassant – et, au mieux, glaçant – qu’émoustillant, le contenu proprement érotique y étant finalement rare, répétitif, et là encore bien loin, dans l’esprit, de la « coquinerie » annoncé par le sous-titre du volume.
Bien loin également de la qualité des meilleurs titres de la collection Erotix, signés Guido Crepax, Frank Thorne, ou encore Leone Frollo qui œuvrait pourtant, avec son Casino, dans le même format – celui des « pockets pornos » – L’Internat féminin et autres contes coquins semble réservé avant tout aux fans inconditionnels de Magnus, désireux de voir comment l’auteur a fait ses premières armes dans le genre qui a fait sa réputation. Les autres pourront regretter que, pour tenir compagnie aux 110 pillules, Delcourt n’ait pas privilégié la réédition d’œuvres autrement plus abouties tant au point de vue du scénario que du dessin, comme par exemple ses Femmes envoûtées. Ne reste plus qu’à espérer que cet oubli soit prochainement réparé.