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ieu qu’il fait sombre dans cette ville, de jour comme de nuit, à l’intérieur comme à l’extérieur, impossible d’y voir plus loin que le bout de son nez sans lampe. Pascal, encore enfant même si l’adolescence doit guetter, mène une existence classique ponctuée d'interros de math, de questions métaphysiques posées à son papa et de mercredis après-midi avec les copains. Un jour, le moment semble venu. Sa mère décide de l’emmener en dehors de la ville pour y rencontrer les insectes et rendre visite à sa tante. Sur la route, alors que le ciel semble s’éclaircir au fur et à mesure qu’ils s’éloignent, ils font l’objet d’un contrôle dans un lieu qui ressemble fort à un poste de frontière. Quelques temps après, alors que Pascal a regagné son environnement habituel, ses camarades réalisent qu’il est différent.
Classé dans la catégorie adulte sur le site éditeur et proposé à partir de 6 ans sur certains sites marchands : c’est tout le paradoxe d’Insekt qui est énoncé là. Le dessin naïf, à base de gros traits arrondis et d’une colorisation à trois tons (noir, pointillé et blanc) pourrait effectivement faire penser à un livre pour enfant, mais certaines scènes sous-entendent une telle violence que la première impression est remise en cause. Cette violence sourde survient ex abrupto, exacerbée parce qu’elle est le fait d’enfants et donc d’autant plus crédible.
Si ce déferlement est plutôt bien amené, son environnement est plus brouillon, comme si Sascha Hommer s’était un tant soit peu perdu dans les divers sujets plus effleurés qu’abordés qu’il avait voulus pointer du doigt. Le tout avec une maladresse qui sied si bien aux bons sentiments. C’est dommage, car Insekt est un album proposé par une maison d’édition (Sarbacane) qui s'ouvre à la bande dessinée. Il est certain que cet auteur allemand a du potentiel et des choses à dire. Il lui reste peut-être à déterminer plus précisément l’univers dans lequel il souhaite s'exprimer, soit en offrant une touche de rationalité plus prononcée à ses futurs récits, soit au contraire en penchant vers un univers plus absurde et déjanté qui semble déjà lui faire du pied. Celui-là même déjà foulé par les illustres américains Daniel Clowes et Charles Burns.
Insekt est un album qui touche un peu à tout, qui sous couvert de recherche de simplicité apparente se prive d’aller au fond des choses. Néanmoins il possède par bien des détails les signes avant coureurs d’un auteur en devenir.