P
énalty, voilà un surnom qui ne s’invente pas. Le foot permet à ce jeune adulte de s’évader de la pénible agonie sociale de son père et le protège de la tentation des paradis artificiels dans lesquels baigne son frangin. Il est bien conscient que ce dernier fume trop, mais cela ne l’empêche pas d’aller lui filer le coup de main pour ses petits trafics. Dans cet environnement, tel est devenu l’ordre des choses, alors pourquoi pas ? De toute manière, la vie lui propose-t-elle mieux ? Il y aurait bien Nadia…
Les deux auteurs aiment poser leurs récits dans l’univers plein de bon sens des villages de la campagne rurale où la simplicité côtoie le rustique. Ce décor rassurant contraste sérieusement avec l’angoissante forêt qui se trouve de l’autre côté de la rivière et prend dans le cas présent des allures de frontière entre le bien et le mal. Il est amusant de noter que ce caractère inquiétant que revêt le monde des bois revienne, consciemment ou non, de manière récurrente dans les livres de Mathis. Le dessin de Charles Dutertre se met au diapason de cette atmosphère en s’acharnant, à grand renfort de traits fins et nerveux, à assombrir son décor aux limites du noir, quand le rendu des visages est très simplifié.
C’est l’histoire bien connue de l’oie blanche qui vivote dans sa bulle, inconsciente de la réalité qui l’entoure, jusqu’au jour où… Et là, le choc est violent. Comme pour ses autres récits, exception faite de Vincent mon frère mort-vivant et de sa récente adaptation du Roman de renart, Mathis emploie une narration très directe qui rend la lecture abordable et vivante. Cela, malgré une apparence insolite qui peut appeler quelques réticences. Cette simplicité de ton donne une dimension très humaine à son album, et il serait dommage de s’arrêter aux premières pages qui peuvent sembler quelque peu psychédéliques au non initié, tant la suite est parfaitement terre-à-terre, voire même particulièrement dure. La fin, courue d’avance et assumée comme telle, donne toute sa signification à cette entrée en matière.
L’indifférence des cailloux est un titre éloquent, il faut bien se faire à l’idée que la nature ne s'intéresse pas au spectacle des humains.