Info édition : Couverture souple avec rabats.
En fin d'album, une note de l'autrice ainsi que des remerciements, une note de l'éditeur, un glossaire et une bibliographie (4 pages).
Résumé: Récit autobiographique où se confondent réalité et fiction qui interroge sur les choix entrepris par une société en cas de crise et sur capacité à reconnaître ses erreurs.
Kiku a 16 ans. Américano-japonaise, elle se sent déconnectée de son héritage japonais et en sait peu sur l’histoire de sa famille qui cultive le secret. Alors qu’elle est en vacances avec sa mère à San Francisco, elle se retrouve brusquement dans les années 1940, propulsée dans un des camps qui a fleuri sur le territoire américain au lendemain de Pearl Harbor. Parquée, Kiku partage le quotidien de sa jeune grand-mère et de 120 000 citoyens nippo-américains déchus de tous leurs droits civiques par leur propre gouvernement, car accusés d’être des ennemis de la nation…
K
iku vit avec sa mère, d'origine japonaise, à Seattle. L'adolescente ne l'a jamais vraiment questionnée sur son passé, et sa maman n'aime pas aborder le sujet. De fait, la jeune fille ignore ainsi quasiment tout de ses racines. Pourtant, elle sait que sa grand-mère jouait du violon et parlait même nippon ! Ce manque pourrait toutefois être rapidement comblé car depuis quelques temps, il arrive de drôle de choses à Kiku...
Grâce au mystère sur lequel s'ouvre l'histoire, les lecteurs se retrouvent très vite happés et leur curiosité piquée. Qu'arrive-t-il à Kiku ? Rêve ou réalité ? Réussira-t-elle à revenir ? Et que va-t-il advenir de ses compagnons d'infortune ? Tout en créant ce suspense, l'autrice aborde un épisode guère reluisant pour la première puissance mondiale. Le traumatisme de Pearl Harbor ne peut pas tout excuser. L'histoire familiale, notamment celle de sa grand-mère, sert de fil conducteur à une trame bien menée. Kiku Hugues mêle le passé et le présent avec un savoir-faire indéniable tout en évitant le piège du larmoyant.
En brossant les portraits de différents profils, elle offre une vision assez large de la situation. De ceux qui abdiquent et se résignent en attendant que leur sort s'améliore aux no-no Boyz, résistants pacifiques, qui paieront leur défiance. Dépourvu d'hémoglobine ou d'exaction, son histoire n'en est pas moins violente par ce qu'elle pointe : un maccarthysme avant l'heure qui va conduire aux déplacements de plus de 110 000 japonais installés outre-Atlantique et nippo-américains dans ces War Relocation Centers. Pour adoucir ce propos, elle adopte un trait simple et net. Malgré des arrière-plans chiches, l'autrice parvient à installer de belles ambiances. Tout au long des deux cent trente six planches, elle maintient l'intérêt au point qu'il est facile de pardonner les quelques manques de rythme. Plus contemplatif et introspectif qu'accusateur et vindicatif en somme.
Avec beaucoup de pudeur, mais aussi de force, Kiku Hugues réussit son entrée dans le neuvième Art. Les indésirables mettent un coup de projecteur sur un pan de l'histoire nippo-américaine peu connu dans nos contrées tout en livrant un beau message pour que les nouvelles comme les anciennes générations ne laissent pas la peur de l'autre et la bêtise guider leurs pas.
Les avis
Erik67
Le 13/09/2021 à 08:02:05
Sur le même sujet que celui des camps d'internement des americano-japonais en 1942 suite à l'attaque de Pearl Harbor, il y a eu la lecture de « Nous étions les ennemis ». C'est absolument scandaleux de mettre une partie de sa population dans des camps de prisonniers sous prétexte qu'ils ont des origines avec un pays devenu ennemi. On renie la nationalité et le patriotisme de ces individus en les privant de tout les droits pour des motifs raciaux.
On va assister à un véritable voyage dans le temps d'une adolescente Kiku qui est trimballée par sa mère sur les lieux de l'enfance de la grand-mère ayant vécu les camps. En toile de fond, il y a le discours haineux de Donald Trump sur fond de campagne électorale. On sait qu'il n'a pas été de main-morte avec les musulmans ou les mexicains pour défendre la soi-disante intégrité nationale.
La conclusion de cette œuvre se situe dans le devoir de mémoire mais également dans le fait qu'il y a comme une condamnation également sur les générations futures de ces groupe de personnes marginalisés avec des traumatismes dont on hérite. Les descendants de ceux qui ont subi des génocides en savent quelque chose. Ils peuvent également trouver la force de se battre pour lutter contre ces injustices et c'est ce qui se passera précisément avec la famille que l'on suit.
On retrouve beaucoup de similitudes avec l’œuvre « Nous étions les ennemis » tant le sujet est le même jusqu'à l'exécution de cet homme qui a essayé de rattraper son chien près des barbelés et qui a été abattu par les gardes. Je me rappelle également de l'épisode du formulaire qu'avait d'ailleurs repris assez sournoisement l'administration Trump contre les musulmans.
Cette BD joue un peu sur le surnaturel pour revivre les instants dans ces camps et montrer une réalité qui a été caché pendant bien des années comme pour effacer une partie de l'histoire honteuse du camp. Bien entendu, ces camps n'étaient pas comparables à l'horreur nazie des camps de concentration mais c'était quand même assez inhumain et injuste pour ces populations innocentes.
Une BD qui a réussie son pari avec une rare intelligence sur un sujet dont on a peu parlé. Voilà où peut conduire les discriminations et l'intolérance. Gageons à ce que cela n'arrive plus jamais dans nos démocraties occidentales.