Résumé: Histoire phare ce de recueil, L'Incident de Sakaï oppose Japonais et Français autour d'une exécution injustement ordonnée, pour une leçon de bravoure qui laissera un souvenir impérissable et amer aux représentants du gouvernement français. Les autres histoires sont des anecdotes qui ne font pas toujours l'Histoire avec un grand H, mais donnent vie et caractère à une nation.
L
e 8 mars 1868, dans le port de Sakai, près d'Osaka, onze marins français de la frégate Dupleix sont tués à coups de carabine par des soldats de la province de Tosa, en charge du maintien de l'ordre dans le port. Au nom de la France, le ministre Léon Roches exige les excuses du ministre nippon, un châtiment exemplaire pour les assassins et une indemnité de 150.000 dollars. En réponse, les japonais condamnent vingt coupables à se faire hara-kiri dans l'enceinte du temple de Myokokuji, devant le regard ébahi d’une délégation française qui gardera longtemps en mémoire l’image de ces samouraïs morts en héros …
C’est par une interprétation légèrement partisane de cet incident historique que débute ce recueil de sept nouvelles, en grande partie inspirées de faits authentiques. Après La force des humbles (retenu dans la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2009), Tueur !, L’âme du Kyudo (l’Essentiel du patrimoine du Festival d’Angoulême 2008), Satsuma, l’honneur des samouraïs et Zatoïchi, Delcourt continue de publier Hiroshi Hirata, l'invité de marque des rencontres internationales du dernier festival d'Angoulême.
A travers les différentes histoires, ce véritable spécialiste de l’étude comportementale des guerriers du Japon à l'époque féodale, met en avant des hommes qui vont jusqu’au bout de leurs convictions. Les deux premiers récits abordent le thème du seppuku, suicide rituel consistant à s’ouvrir l’abdomen avec un sabre. Dans L'Incident de Sakaï, illustration effroyable de l’incompréhension entre deux cultures opposées, cette mort honorable est utilisée par les samouraïs pour protester contre la sentence abusive des colons français. Dans Fief Ôgaki : des samouraïs contre l'eau, qui relate le combat incessant des habitants de la région d’Ôgaki contres les crues violentes des affluents majeurs du fleuve Kiso qui menacent la survie du fief, le seppuku est mis en avant comme une façon de se repentir d'un péché impardonnable et comme une manière exceptionnelle de racheter ses fautes.
En situant son œuvre à une période charnière pour la société nippone, marquée par la fin de l’époque Edo et les dernières années du shôgunat Tokugawa, ce gekiga-ka de renommé se nourrit d’un contexte politique violent, marqué par de nombreuses querelles entre seigneurs voisins. L'affaire de Kashima et Les Kanamori, maison seigneuriale de Hida sont à ce titre riches en complots, trahisons, alliances et meurtres et permettent à l’auteur de livrer une analyse didactique des mœurs et coutumes qui animent cette société en transition. Outre cet ancrage historique intéressant et la mise en valeur du sens de l’honneur, la grande force de ce mangaka septuagénaire est l’humanité qu’il confère à ses personnages. A travers une histoire d’amour tragique (Un sous-fifre nommé Mohei) et le récit d’un homme qui méritait de mourir en bushi (Gôemon, vassal direct du shogun) l’auteur met en scène des caractères droits, forts et courageux, qui véhiculent des principes moraux forts. Mais, malgré des valeurs désuètes, ce maître du Bushido semble chercher dans le passé des leçons d’éternité, offrant ainsi à cet ouvrage une portée universelle, comme en témoigne si bien la dernière nouvelle (Les Gôto, frappeurs de monnaie), axée sur le rôle de l’argent dans la société.
Le style fouillé et réaliste de Hiroshi Hirata accompagne magnifiquement cette analyse perspicace d’un pays de samouraïs dominée par l’honneur et la fierté. D’un trait vif et précis, ce maître de la calligraphie transmet toute son énergie à des planches dynamiques et pleines de vie. Malgré certaines ressemblances entre les personnages, cet autodidacte soigne les sentiments de ses protagonistes et leur confère une présence incontestable.
Si le nombre d’histoires indépendantes présentes dans le nouveau recueil de cet auteur qui fait régulièrement le bonheur des amateurs de manga plus réalistes se limite malheureusement à sept, le nombre de raisons de s’y attarder est probablement supérieur.
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 11:10:00
Depuis que j'ai découvert récemment L'Âme du Kyudo, je peux affirmer que cet auteur de manga figure dans la liste de mes préférés. Aussi, j'ai voulu découvrir sa dernière production. Bien m'en a pris. Hiroshi Hirata est un auteur qu'il faut suivre attentivement car la qualité est au rendez-vous de ses différentes productions.
J'aime l'Histoire en général et découvrir celle du Japon va dans le sens d'un approfondissement de ma culture. Aussi, j'ignorais tout de cet incident de Sakai qui implique un ministre de la France. On va assister à un véritable choc des cultures mais surtout à une grosse injustice. J'ai apprécié la vision de l'auteur qui essaie de nous faire passer un message positif.
Les autres récits sont tout aussi intéressants. Ils nous font découvrir toute la richesse de ce pays qui a quand même mal tourné durant sa phase expansionniste. L'ère Meiji nous permet de comprendre ce qui va ouvrir ce pays au monde extérieur par une politique impérialiste après des siècles de fermeture. J'ai bien aimé cette transition sur la fin du Shogunat.
C'est clair qu'il y a quelques fois un mélange d'anecdote avec la grande Histoire mais le tout forme quelque chose de vraiment passionnant pour les amateurs du genre.