«
C’est un tonneau », « vous ne trouvez pas qu’elle a grossi ? ». Ces mots, Noko Hanazawa les entend tous les jours au bureau. Elle s’y est résignée, jusqu’au jour où elle découvre que son petit ami la trompe avec la splendide et autoritaire Mayumi. Elle décide donc de faire un régime pour devenir mince et belle « comme les autres ». Pourtant rien ne s’arrange bien au contraire. Les vexations et les pièges de sa rivale se font plus cruels, l’homme qu’elle aime la rejette, son corps fond mais en est-elle plus belle ? Est-ce vraiment le bonheur auquel elle aspirait ?
Dans In the clothes named fat, Moyocco Anno (Happy Mania) dresse le tableau peu flatteur d’une société de consommation engoncée dans des standards, des préjugés qui ne laissent place à aucun écart, aucune différence. C’est à travers le rapport au corps et à la nourriture qu’elle pointe les dommages moraux comme physiques infligés par une dictature du paraître, un culte de la minceur absolue.
L’ironie qui teinte le récit lui confère un relent aigre-doux. Confronté à une quête d’identité qui conduit Noko à l’autodestruction, le lecteur est troublé. Qu’elle dévore pour oublier les brimades, qu’elle soit engloutie par la spirale de la culpabilité et de l’obsession de l’apparence, ou que son imagination travaille, il est difficile de ne pas être touché par la détresse de l’héroïne. Par ailleurs, l'impression familière du milieu qui est le sien et des situations qu’elle vit ne laissent pas indifférent.
Le dessin, simple, cru, sans concession ni fioriture, souligne ce que l’héroïne perçoit comme des défauts en elle, ce que les autres montrent du doigt ; on se concentre donc sur sa silhouette ronde qui semble épaissir au début puis sur son affinement progressif qui débouche sur la maigreur cadavérique causée par l’anorexie. L’accent est également mis sur la dent proéminente de sa collègue Tahada qui passe pour folle ou les tronches peu avenantes des indésirables de son bureau relégués dans un coin. Cela contraste avec les corps « normaux » des autres personnages et celui, presque idéalisé, de Mayumi, la belle rivale. Les plans et le découpage accentuent encore cette tendance.
Critique féminine mais pas militante, In the clothes named fat interpelle. Et nous quel habit portons-nous pour nous fondre dans le groupe ?