Résumé: Dans un monde médiéval hostile où sévit une implacable chasse aux sorcières, le jeune Georg aide Ongle et Pluie, deux étranges jeunes filles au passé traumatique, à fuir le Sanctuaire, une prison de l’inquisition. Dotées de pouvoirs effrayants pour le commun des mortels et bien incapables d’expliquer leurs origines, ni même qui elles sont, Ongle et Pluie, accompagnées de Georg, se lancent dans une errance désespérée à travers le pays. Georg découvre peu à peu la profondeur des séquelles que les maltraitances physiques et psychiques ont laissées à Ongle et Pluie et à quel point il s’est engagé dans une quête qui le dépasse. Armé de sa bienveillance et de sa candeur, il tente de les aider, pas-à-pas, à guérir.
L
a fuite, être discrètes, disparaître… Ongle et Pluie n’ont pas d’autre issue si elles veulent survivre. Des sorcières, avec des pouvoirs maléfiques ! Cela suffit pour que toute la population de la région veuillent les supprimer et ce ne sont pas les prêtres qui vont leur dire le contraire. Georg, un gamin des rues élevé à la dure, ne comprend pas ces histoires de magie. Tout ce qu’il constate, c’est que ces deux filles sont à peu près dans la même situation que lui et il sait bien que dans ce cas-là, un coup de main peut faire la différence. Alors, il les aide et les accompagne à travers la forêt. La destination de cette équipée ? Loin, mettons d’abord un peu de distance avec la ville, le reste attendra.
Quatre ans après Comme un frisson qui lui avait valu le prix révélation au festival de Quai des Bulles 2018, Aniss El Harnouri revient sur les étales avec Ils brûlent, une très ambitieuse saga médiévale fantastique prévue en trois tomes. Œuvre fiévreuse et sombre, Cendre et rivière a plus à voir avec un récit psychologique qu'avec une énième quête initiatrice ou un problème de voisinage avec des dragons chafouins. S’il y a bien des combats et des sorts, ici et là au fil des pages, le fond du propos se veut nettement plus sérieux et incarné. Ongle et Pluie ont la capacité de détruire ou de blesser leur entourage par un simple regard ou une poignée de main. Est-ce suffisant pour en faire des parias et vouloir les exterminer, sans même se poser une seule question ? Apeurées et pareillement dans l’ignorance que leurs tortionnaires, elles les premières voudraient bien comprendre ce qui se cache derrière ces déchaînements de violence. Quant à Georg, il veut seulement collaborer, faire de son mieux, même s’il voit bien que, finalement, peu importe la compagnie et sa débauche de générosité, ce monde n’a que faire de lui.
Envolées lyriques façon roman gothique, romantisme désespéré et exacerbé dans un écrin moyenâgeux à peine teinté d’étrange, l’album cherche toutefois un peu sa voie. Le scénariste a préféré laisser flotter le mystère et n’offre que très peu d’éléments auxquels le lecteur peut s’accrocher. Gentil, méchant, victime ou bourreau, pourquoi, comment, les lignes sont volontairement floues, peut-être un peu trop. Il est également peu aisé de s’identifier à ces personnages aussi traumatisés que perdus. Ils et elles sont, certes, courageux et appellent à la compassion, voire la pitié. Cependant, sur la longueur, sans autres informations que quelques bribes éparses d’un passé horrifique, il devient difficile de se sentir vraiment concerné.
Visuellement très réussi, quoique stylistiquement pas encore totalement abouti (les influences, Joann Sfar en particulier, sont nombreuses et étouffent un peu le trait du dessinateur), Ils brûlent est une lecture âpre et exigeante à mille lieues des poncifs habituels du genre. Peut-être est-il trop tôt pour pouvoir embrasser toutes les subtilités de ce conte noir aux fées si meurtries.